Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et surtout de la Reine évitez l’entretien.
1595Redoutez… Mais elle entre, et sa moindre tendresse
De toutes nos raisons va montrer la foiblesse.


Scène IV.

TITE.

Eh bien ! Madame, eh bien ! faut-il tout hasarder ?
Et venez-vous ici pour me le commander ?

BÉRÉNICE.

De ce qui m’est permis je sais mieux la mesure,
1600Seigneur ; et j’ai pour vous une flamme trop pure
Pour vouloir, en faveur d’un zèle ambitieux,
Mettre au moindre péril des jours si précieux.
Quelque pouvoir sur moi que notre amour obtienne,
J’ai soin de votre gloire ; ayez-en de la mienne.
1605Je ne demande plus que pour de si beaux feux
Votre absolu pouvoir hasarde un : « Je le veux. »
Cet amour le voudroit ; mais comme je suis reine,
Je sais des souverains la raison souveraine.
Si l’ardeur de vous voir l’a voulue[1] ignorer,
1610Si mon indigne exil s’est permis d’espérer,
Si j’ai rentré dans Rome avec quelque imprudence,
Tite à ce trop d’ardeur doit un peu d’indulgence.
Souffrez qu’un peu d’éclat, pour prix de tant d’amour,
Signale ma venue, et marque mon retour.
1615Voudrez-vous que je parte avec l’ignominie

  1. Il y a voulue dans toutes les éditions antérieures à 1692. Thomas Corneille a ainsi corrigé ce vers :
    Si l’ardeur de vous voir a voulu l’ignorer.
    Voltaire (1764) a supprimé l’accord irrégulier et donne l’hiatus : « l’a voulu ignorer. »