J’en soupire au dedans, et tremble moins que vous ?
Mon intrépidité n’est qu’un effort de gloire,
Que, tout fier qu’il paroît, mon cœur n’en veut pas croire.
Il est tendre, et ne rend ce tribut qu’à regret
Au juste et dur orgueil qu’il dément en secret.
Oui, s’il en faut parler avec une âme ouverte,
Je pense voir déjà l’appareil de sa perte,
De ce héros si cher ; et ce mortel ennui
N’ose plus aspirer qu’à mourir avec lui.
Acceptez mon amant pour conserver mon frère,
Madame ; et puisqu’enfin il vous faut l’épouser,
Tâchez, par politique, à vous y disposer.
Mon amour est trop fort pour cette politique :
Tout entier on l’a vu, tout entier il s’explique ;
Et le prince sait trop ce que j’ai dans le cœur,
Pour recevoir ma main comme un parfait bonheur.
J’aime ailleurs, et l’ai dit trop haut pour m’en dédire,
Avant qu’en sa faveur tout cet amour expire.
C’est avoir trop parlé ; mais dût se perdre tout,
Je me tiendrai parole, et j’irai jusqu’au bout.
Ainsi donc vous voulez que ce héros périsse ?
Pourroit-on en venir jusqu’à cette injustice ?
Madame, il répondra de toutes vos rigueurs,
Et du trop d’union[1] où s’obstinent vos cœurs.
Rendez heureux le prince, il n’est plus sa victime ;
Qu’il se donne à Mandane, il n’aura plus de crime.
- ↑ L’édition de 1682 porte : « Et de trop d’union… »