Jugez après cela comme quoi je vous aime.
Eh ! de grâce, où faut-il que je l’aille trouver ?
Je n’ai que commencé, c’est à vous d’achever.
Ah ! Lyse !
Tout de bon, seriez-vous pour le suivre ?
Si je suivrais celui sans qui je ne puis vivre ?
Lyse, si ton esprit ne le tire des fers,
Je l’accompagnerai jusque dans les enfers.
Va, ne demande plus si je suivrais sa fuite.
Puisqu’à ce beau dessein l’amour vous a réduite,
Écoutez où j’en suis, et secondez mes coups ;
Si votre amant n’échappe, il ne tiendra qu’à vous.
La prison est tout proche.
Eh bien ?
Au frère du concierge a fait voir mon visage ;
Et comme c’est tout un que me voir et m’aimer,
Le pauvre malheureux s’en est laissé charmer.
Je n’en avais rien su !
Que je mourais de peur qu’on vous en fît le conte ;
Mais depuis quatre jours votre amant arrêté
A fait que l’allant voir je l’ai mieux écouté.
Des yeux et du discours flattant son espérance,
D’un mutuel amour j’ai formé l’apparence.
Quand on aime une fois, et qu’on se croit aimé,
On fait tout pour l’objet dont on est enflammé.
Par là j’ai sur son âme assuré mon empire,
Et l’ai mis en état de ne m’oser dédire.
Quand il n’a plus douté de mon affection,
J’ai fondé mes refus sur sa condition ;
Et lui, pour m’obliger, jurait de s’y déplaire,
Mais que malaisément il s’en pouvait défaire ;
Que les clefs des prisons qu’il gardait aujourd’hui
Étaient le plus grand bien de son frère et de lui.
Moi de dire soudain que sa bonne fortune
Ne lui pouvait offrir d’heure plus opportune ;
Que, pour se faire riche, et pour me posséder,
Il n’avait seulement qu’à s’en accommoder ;
Qu’il tenait dans les fers un seigneur de Bretagne
Déguisé sous le nom du sieur de la Montagne ;
Qu’il fallait le sauver, et le suivre chez lui ;
Qu’il nous ferait du bien, et serait notre appui.
Il demeure étonné ; je le presse, il s’excuse ;
Il me parle d’amour, et moi je le refuse ;
Je le quitte en colère ; il me suit tout confus,
Me fait nouvelle excuse, et moi nouveau refus.
Mais enfin ?
Je le juge ébranlé ; je l’attaque, il résiste.
Ce matin : « En un mot, le péril est pressant »,
Ai-je dit ; « tu peux tout, et ton frère est absent. »
« Mais il faut de l’argent pour un si long voyage, »
M’a-t-il dit ; « il en faut pour faire l’équipage ;
« Ce cavalier en manque. »
Lui faire offre aussitôt de tout ce que j’avais,
Perles, bagues, habits.
J’ai dit qu’à vos beautés ce captif rend hommage.
Que vous l’aimez de même, et fuirez avec nous.
Ce mot me l’a rendu si traitable et si doux,
Que j’ai bien reconnu qu’un peu de jalousie
Touchant votre Clindor brouillait sa fantaisie,
Et que tous ces détours provenaient seulement
D’une vaine frayeur qu’il ne fût mon amant.
Il est parti soudain après votre amour sue,
A trouvé tout aisé, m’en a promis l’issue,
Et vous mande par moi qu’environ à minuit
Vous soyez toute prête à déloger sans bruit.
Que tu me rends heureuse !
Qu’accepter un mari pour qui je suis de glace,
C’est me sacrifier à vos contentements.
Aussi…
Allez ployer bagage ; et pour grossir la somme,
Joignez à vos bijoux les écus du bon homme.
Je vous vends ses trésors, mais à fort bon marché ;
J’ai dérobé ses clefs depuis qu’il est couché ;
Je vous les livre.
Allons y travailler ensemble.
Passez-vous de mon aide.
Eh quoi ! le cœur te tremble ?
Non, mais c’est un secret tout propre à l’éveiller ;