Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/343

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L’orgueil, contraint à disparoître,
ne laisse dans ce cœur aucun vain sentiment
qui ne soit abîmé, pour petit qu’il puisse être,
dans cet anéantissement,
sans pouvoir jamais y renaître.

Ta clarté m’expose à mes yeux,
je me vois tout entier, et j’en vois d’autant mieux
quels défauts ont suivi ma honteuse naissance :
je vois ce que je suis, je vois ce que je fus,
je vois d’où je viens, et confus
de ne voir que de l’impuissance,
je m’écrie : " Ô mon Dieu, que je m’étois déçu !
Je ne suis rien, et n’en avois rien su. "

Si tu me laisses à moi-même,
je n’ai dans mon néant que foiblesse et qu’effroi ;
mais si dans mes ennuis tu jettes l’œil sur moi,
soudain je deviens fort, et ma joie est extrême.

Merveille, que de ces bas lieux,
élevé tout à coup au-dessus du tonnerre,
je vole ainsi jusques aux cieux,
moi que mon propre poids rabat toujours en terre !
Que tout à coup de saints élancements,
tout chargé que je suis d’une masse grossière,
jusque dans ces palais de gloire et de lumière