Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/558

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Tu ne peux pas toujours soutenir à ton gré
la contemplation dans le plus haut degré :
c’est en dépit de toi qu’ainsi tu te ravales ;
et le honteux besoin que l’esprit a du corps,
lui donnant malgré lui des heures inégales,
malgré lui le rejette aux œuvres du dehors.

Telle est l’impression que fait ton origine
sur la plus digne ardeur dont tu sois emporté ;
tel est le sang impur et le suc infecté
que tu tires de ta racine :
tu vois avec dégoût et souffres à regret
l’importune langueur et le fardeau secret
dont t’accable une vie infirme et corruptible ;
il le faut toutefois, et ton malheur est tel,
que ce dégoût de l’âme y devient invincible,
tant que pour sa prison elle a ce corps mortel.

Gémis donc, et souvent, sous le poids que t’impose
une chair qui te lie à son être imparfait ;
gémis des rudes lois que cette chair te fait ;
gémis des maux qu’elle te cause ;
gémis de ne pouvoir avec un plein effort
attacher ton étude à ce divin transport
qui dégage l’esprit de toute la matière ;
gémis de n’avoir pas assez de fermeté
pour me donner sans cesse une âme toute entière,
et sans relâche aucune admirer ma bonté.