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Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/10

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Je vous suivrais, madame ; et du moins sans ombrage
De ce que mes rivaux ont sur moi d'avantage,
Si vous ne m'y faisiez quelque destin plus doux,
J'y mourrais de douleur d'être indigne de vous :
J'y mourrais à vos yeux en adorant vos charmes.
Peut-être essuieriez-vous quelqu'une de mes larmes ;
Peut-être ce grand cœur, qui n'ose s'attendrir,
S'y défendrait si mal de mon dernier soupir,
Qu'un éclat imprévu de douleur et de flamme
Malgré vous à son tour voudrait suivre mon âme.
La mort, qui finirait à vos yeux mes ennuis,
Aurait plus de douceur que l'état où je suis.
Vous m'aimez ; mais, hélas ! Quel amour est le vôtre,
Qui s'apprête peut-être à pencher vers un autre ?
Que servent ces désirs, qui n'auront point d'effet
Si votre illustre orgueil ne se voit satisfait ?
Et que peut cet amour dont vous êtes maîtresse,
Cet amour dont le trône a toute la tendresse,
Esclave ambitieux du suprême degré,
D'un titre qui l'allume et l'éteint à son gré ?
Ah ! Ce n'est point par là que je vous considère ;
Dans le plus triste exil vous me seriez plus chère :
Là mes yeux, sans relâche attachés à vous voir,
Feraient de mon amour mon unique devoir ;
Et mes soins, réunis à ce noble esclavage,
Sauraient de chaque instant vous rendre un plein hommage.
Pour être heureux amant, faut-il que l'univers
Ait place dans un cœur qui ne veut que vos fers ;
Que les plus dignes soins d'une flamme si pure
Deviennent partagés à toute la nature ?
Ah ! Que ce cœur, madame, a lieu d'être alarmé,
Si sans être empereur je ne suis plus aimé !

'PULCHÉRIE'