Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/11

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Vous le serez toujours ; mais une âme bien née
Ne confond pas toujours l'amour et l'hyménée :
L'amour entre deux cœurs ne veut que les unir ;
L'hyménée a de plus leur gloire à soutenir ;
Et je vous l'avouerai, pour les plus belles vies
L'orgueil de la naissance a bien des tyrannies :
Souvent les beaux désirs n'y servent qu'à gêner ;
Ce qu'on se doit combat ce qu'on se veut donner :
L'amour gémit en vain sous ce devoir sévère...
Ah ! Si je n'avais eu qu'un sénateur pour père !
Mais mon sang dans mon sexe a mis les plus grands cœurs ;
Eudoxe et Placidie ont eu des empereurs :
Je n'ose leur céder en grandeur de courage ;
Et malgré mon amour je veux même partage :
Je pense en être sûre, et tremble toutefois
Quand je vois mon bonheur dépendre d'une voix.

'LÉON' — Qu'avez-vous à trembler ? Quelque empereur qu'on nomme,
Vous aurez votre amant, ou du moins un grand homme,
Dont le nom, adoré du peuple et de la cour,
Soutiendra votre gloire, et vaincra votre amour.
Procope, Aréobinde, Aspar, et leurs semblables,
Parés de ce grand nom, vous deviendront aimables ;
Et l'éclat de ce rang, qui fait tant de jaloux,
En eux, ainsi qu'en moi, sera charmant pour vous.

'PULCHÉRIE' — Que vous m'êtes cruel, que vous m'êtes injuste
D'attacher tout mon cœur au seul titre d'Auguste !
Quoi que de ma naissance exige la fierté,
Vous seul ferez ma joie et ma félicité :
De tout autre empereur la grandeur odieuse...

'LÉON' — Mais vous l'épouserez, heureuse ou malheureuse ?

'PULCHÉRIE' — Ne me pressez point