Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/69

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C'est donc à moi, madame, à confesser mon crime.
L'amour naît aisément du zèle et de l'estime ;
Et l'assiduité près d'un charmant objet
N'attend point notre aveu pour faire son effet.
Il m'est honteux d'aimer ; il vous l'est d'être aimée
D'un homme dont la vie est déjà consumée,
Qui ne vit qu'à regret depuis qu'il a pu voir
Jusqu'où ses yeux charmés ont trahi son devoir.
Mon cœur, qu'un si long âge en mettait hors d'alarmes,
S'est vu livré par eux à ces dangereux charmes.
En vain, madame, en vain je m'en suis défendu ;
En vain j'ai su me taire après m'être rendu :
On m'a forcé d'aimer, on me force à le dire.
Depuis plus de dix ans je languis, je soupire,
Sans que de tout l'excès d'un si long déplaisir
Vous ayez pu surprendre une larme, un soupir ;
Mais enfin la langueur qu'on voit sur mon visage
Est encor plus l'effet de l'amour que de l'âge.
Il faut faire un heureux, le jour n'en est pas loin :
Pardonnez à l'horreur d'en être le témoin,
Si mes maux et ce feu digne de votre haine
Cherchent dans un exil leur remède, et sa peine.
Adieu : vivez heureuse ; et si tant de jaloux...

'PULCHÉRIE' — Ne partez pas, seigneur, je les tromperai tous ;
Et puisque de ce choix aucun ne me dispense,
Il est fait, et de tel à qui pas un ne pense.

'MARTIAN' — Quel qu'il soit, il sera l'arrêt de mon trépas,
Madame.

'PULCHÉRIE' — Encore un coup, ne vous éloignez pas.
Seigneur, jusques ici vous m'avez bien servie ;
Vos lumières ont fait tout l'éclat de ma vie ;