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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/103

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SUR LES COMEDIES lxxxix

naDie? Les jeunes hommes, chez Corneille, ne réussissent pas à l'être plus que les jeuoes filles, et Dieu sait pourtant avec quel bon sens rassis, avec quelle froideur égoïste parfois, ces philo- sophes précoces dissertent sur l'amour et le mariage, choses très distinctes à leurs yeux!

J'aime à remplir de feux ma bouche en leur présence; La mode nous oblige à cette complaisance. Tous ces discours de livre alors s )nt de saison : Il faut feindre des maux,, demander guérison, Donner sur le phébus, promettre des miracles, Jurer qu'on brisera toute sorte d'obstacles; Mais du vent et cela doivent être tout un... Un bien qui nous est dû se fait si peu priser, Qu'une femme fùt-elle entre toutes choisie, On en voit en six mois passer la fantaisie... ... L'hymen de soi-même est un si lourd fardeau Qu'd faut l'appréhender à l'égal du tombeau. S'attacher piur jamais aux côtés d'une femme! Perdre pour des enfants le repos de son âme! Voir leur nombre importun remplir une maison I Ahl qu'on aime ce joug avec peu de raison!... La beauté, les attraits, l'esprit, la bonne mine ÉchauiT^-nt bien le cœur, mais non pas la cuisine. Et l'hymen qui succède à ces folles amours, Après quelques douceurs, a bien de mauvais jour»*.

Qui parle ainsi? C'est Tircis, le futur époux de Mélite. Au début de la Suivante, Florame, le futur époux de Daphnis, ne profes- sera pas une autre philosophie. Observons que leur situation est identique : tous deux ont été introduits près de Mélite et de Daphnis par le trop impétueux Éraste et le trop prudent Théante, qui ne croyaient pas se donner eux-mêmes des rivaux. Ces intrus n'oDt-ils donc supplanté leurs amis que par pure méchanceté ou par iutérèt pur? N'épousent-ils donc que la dot? Sans répoudre que leur amour soit désintéressé de tout point, il est permis de ne pas leur prêter uu calcul aussi vil. Nous nous heurtons ici à l'une des idées préconçues les pi .s chères à Corneille : l'amour est chose fatale; on e.ssaierait en vain de s'y soustraire si l'on y est prédestiné; il eavahit l'âme lorsqu'elle s'y attend le moius, il l'en- vahit soudain, et tout entière, et pour toujours. Mais cette théorie, qui pourra se développer à l'aise dans la tragédie cornélienne,

i Mélite, 1. 1.

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