Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/122

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GX ETUDE

que son fils est dûment assassiné. Par bonheur, la toile ne tarde pas à se relever, et nous voyons les comédiens, y compris les morts, occupés à compter la recelte du jour. On est donc tou- jours ramené à la comédie, mais la tragédie a fait une apparition timide.

Comédie ou ti'agédie, tragi-comédie ou féerie, qu'importe! Par la liberté de la fantaisie, par la hauteur du ton, par l'entassement curieux des aventures, par le pittoresque du cadre, VlUusion est une pièce tout espagnole. Pour qui sait lire et comparer, il est évident que Corneille y obéit, sciemment ou non, à une influence nouvelle. Clitandre déjà est un pur roman, dont l'invraisem- blance nous choque ou nous égayé; VlUusion est plus invraisem- blable encore que Clitandre, mais d'une invraisemblance plus poétique et plus originale, qui ne déplaît pas. Il y a comme un rayon de soleil qui s'y joue, un rayon de l'aurore du Cid qui est sur l'horizon. Oui, à cette époque déjà. Corneille devait lire les Espagnols, et nous en avons une preuve assez précise dans l'Illusion même. Voulant faire comprendre à Pridamant l'ingé- niosité de ressources que son fils avait déployée pour vivre, Alcandre se servira de cette comparaison :

Enfin, jamais Buscon, La/.arille de Toi-iiies, Sayavcdre et Gusman ne prirent tant de formes '.

Que sont Gusman d'Alfarache et Sayavèdre, Lazarille de Tormes et Buscon ? des héros de romans espagnols. Il est vrai que ces romans avaient été traduits en français, mais l'important . n'est pas de savoir si Corneille avait lu les Espagnols dans le texte, c'est de constater qu'il les avait lus, et qu'il avait gardé de cette lecture une impression iuelîaçable. On admettra, d'ailleurs, malaisément, que, quelques mois avant le Cid, Corneille ne por- tât pas en lui déjà son chef-d'œuvre, impatient de naître. Déjà donc il avait passé à l'Espagne, et donné aux Espagnols, vaincus aux frontières, la revanche la plus glorieuse qu'ils pussent sou- haiter.

En un mot, dans VlUusion, Corneille dit adieu a la comédie, mais ce ne sera pas un adieu définitif, et, dans le Menteur, un autre Géronte parlera plus tard, sans effort, le langage à demi

I. L'Illusion cnmiqvc, I, 3.

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