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ETUDE SUR MEDEE cxxxi

plaider sa cause, qu'il sent mauvaise. Combien ce plaidoyer per- sonnel est gêné! Combien l'accent eu est peu convaincu! Il y a un contraste vraiment dramatique entre la sincérité pressante de Médée et la doucereuse bypocrisie de Jasou ; mais ici encore peut-être le contraste est trop fortement marqué; Jason se fait petit, plaide les circonstances atténuantes. Ab ! si elle pouvait lire au fond de sou àme, et voir « les purs motifs » de sa tra- hison apparente! Si elle savait à quel poiut il déplore le « mal- heureux divorce », où la nécessité le réduit! Comme toujours, il invoque l'amour paternel,^ éternelle excuse, éternellement pi- toyable. Puis des regrets il passe aux reprocbes : si Médée lui a sauvé jadis la vie, ue lui rend-il pas ce bienfait aujourd'bui? N'est-ce pas à sa prière que le bon roi Créou s'est contenté de la bannir? Longtemps contenue, l'indignation de Médée éclate enfin :

��On ne m'a que bannie ! ô bonté souveraine .' C'est donc une faveur, et non pas une peine '. Je reçois une grâce au lieu d'un châtiment, Et mon exil encor doit un remerciment I Ainsi l'avare soif du brigand assouvie, Il s'impute à pitié de nous laisser la vie : Quand il n'égorge point, il croit nous pardonner, Et ce ([u'il n'ôtc pas. il pense le donner.

Voilà la vraie ironie, l'ironie tragique, également éloignée lie la bassesse et de l'enflure. A côté de ce mouvement superbe, ou trouvera bi^n froid et bien sec le vers de Senèque :

Pœnam putab.im ; munus. ut video, est fuga. *

��Pendant toute la durée de ce débat, vraiment cornélien déjà, Médée saura' se soutenir au ton tragique où elle est d'abord montée. Ou peut juger qu'elle raisonne trop et trop bien pour une femme que la passiou égare; à Jasou, qui se déclare inno- cent des crimes passés de sa femme, elle répond :

Celui-là fait le crime à qui le crime sert.

Ce n'est que la traduction liltérule d'un mot de Sénèque ; mais si quelques mots ça et là sont traduits, quelle supériorité daus l'ensemble du dialogue! quelle originalité toujours, même dans les empi'unts! Un exemple sufUra. En quelques vers sen-

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