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ÉTUDE SUR MÉDEE cxlih

Il est difficile de dire plus tendrement : « Je vous hais. » Mais le ton se relève soudain quand Médée, entendant Jasou alléguer son devoir, se ressouvient du sien, et s'écrie, avec une hauteur de fierté que n'eût pas désavouée Chiniène :

,Ip ferai mon devoir, oûmnie tu fais le tien. L'honneur doit mètre cher, .si la gloire t'est chère : Je ne trahirai point mon pays ni mon père.

Si pourtant les deux amants font leur devoir, le drame aboutit à une impasse. Et s'ils ne le fout pas. ils sont odieux. Jason. il est vrai, a trouvé le moyeu de concilier le devoir et la passion en faisant servir sou amour a l'accomplissement de son devoir. Mais la situation de Médée est plus digne de la tragédie : placée entre son devoir, qu'elle connaît, et sa passion, qu'elle avoue elle doit choisir, et le choix lui parait cruel. Pour rompre l'équi- libre en faveur de là passion, sans nous rendre Médée trop haïs- sable. Corneille imagine cet autre changement â vue, qui n'est encore que la traduction extérieure d'une péripétie morale:

« Ici l'on voit sortir du milieu du Phase le dieu Glauque, avec deux tritons et deux sirènes qui chantent, cependant qu'une grande con- (jui', de nacre semée de branches de corail et de pierres précieuses portée par quatre dauphius, et soutenue par quatre vents en l'air, vient insensiblement s'arrêter au milieu de ce même fleuve Taudis qu'elles chantent, le devant de cette conque merveilleuse fond dans l'eau, et laisse voir la reine Hypsipvie assise comme dans un trône; et soudain Glauque commande aux vents de s'envoler, aux tritons et aux sirènes de disparaître, et au fleuve de retirer une partie de ses eaux pour laisser prendre terre à Hypsipyle. Les tritous, le fleuve, les vents et les sirènes obéissent et Glauque se perd lui-même au fond de l'eau, sitôt qu'il à parlé; en suite de quoi Absyrte donne la main à Hvpsipyl.' pour sortir de cette conque, qui s'abîme aussitôt dans le"^lleuve. >.

C'est Jason qu'Hypsipyle vient chercher; c'est Jason seul qu'elle amie, bien que l'infidèle la repousse et qu'Absvrte, le frère de Médée, soudainement épris, s'offre pour le remplacer. La jalousie entre au cœur de Médée, et c'est la jalousie seule qui lui pourra laire oublier son devoir.

Au troisième, au quatrième acte^ où donc est l'intérêt, sinon dans la peinture de cette jatousie, beaucoup plus émouvante que les colères despotiques d'Aète ou les splendeurs de son palais dont Comédie nous fait une description complaisante? Une scène assez peu vive vient d'opposer à Hypsipyle, si sincèrement passionnée, Jasou, dont la situation est toujours fausse et

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