Aller au contenu

Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION ?.7

fut la vaillance même, l'honneur même? — Eh bien? — Et qup ce sang dont mes yeux sont rougis, c'est le sien comme le mien, le sais-lu? — Que je le sache ou non (abrège loi. propos), qu'en résulterait-il? — Allons seulement dans un autre lieu, et tu sauras ce qu'il en doit résulter. » Mai^ qu'y a-t-il de commun, au fond, entre le dialogue français; si vif et si bref, et le dialogue espagnol, si compliqué? Don Gormas, chez Castro, loin d'êlre seul, se promène, en com- pairnie d'officiers, d'amis et de domestiques, sur la place où s'ouvrent le palais du roi et la maison de don Diègue. Toujours aussi arrogant-, il menace Rodrigue de « mille coups de pied ». Don Diègue n'est pas loin non plus, soutient du geste son fils hésitant, s'impatiente de ses retards, el crie : « Les longs discours émoussent l'épée. » Enfin, Chi- mène et l'infante, de la fenêtre du palais, sont témoins de tout ; l'une, de plus en plus inquiète, s'etiorce enfin de con- tenir son fiancé menaçant, et reçoit dans ses bras son père blessé à mort; l'autre arrive à temps pour sauver Rodrigue serré de près par les gens du comte. Au temps où écrivait Corneille, la Place Royale avait pu voir quelques-uns de ces combats singuliers livrés sous les yeux des dames. D'où vient que Corneille brise impitoyablement ce cadre si pittoresque? C'est qu'une seule chose le préoccupe : Rodrigue fera-t-il son devoir, et de quelle manière le fera-t'il?

��Deuxième journée.

Scène 1'*. — Chimène et don Diègue se rencontrent aux

Pieds du roi, lune pour réclamer le châtiment de Rodrigue, autre pour plaider sa cause; l'une porte à la main un mou- choir teint du sang de son père, testament d'un nouveau genre où elle voit écrite la volonté du mort, à peu près comme Chiinèiie voit son devoir écrit sur ia poussière ensan- glantée ; l'autre apparaît la face rougie de ce même sang, avec lequel il a lavé — littéralement — la place du souftlet reçu. Dans le Romancero, les démarches de Chimène et de ion Diègue sont isolées; en les réunissant, Castro a créé une des plus émouvantes situations de son drame; mais Coi- neille a trouvé encore à créer après lui : Chimène a chez lui un orgueil moins raide, une sensibilité plus profonde don Diègue écarte avec dédain la joie brutale qu'inspire h vengeance satisfaite, et parle un langage tout nouveau dans sa mélancolique fierté.

�� �