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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/215

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[NTRODUCTION «I

pds ce problènie délicat avec un esprit étroitement rigoriste. Mais il avait vu prrir. dans une de ces rencontres hasar- deuses, son frère aîné, le marquis de Richelieu. Puis, le scan- dale s'étalait aux yeux de tous; on se battait de jour, sur les places publiques; on s'y battait de nuit, aux flambeaux. Des courtisans, cette fureur avait passé aux hommes de lettres, aux « gladiateurs de lettres », comme disait Balzaf '. Dés 1626, Richelieu faisait demander au roi par l'assemblée des nota- bles le renouvellement de l'édit d'Henri IV, ou plutôt sou aggravation ; car l'édit précédent autorisait le duel en certains cas, sur demande reconnue légitime , tandis que l'édit de mars 1626, auquel le roi s'engagea solennellement à ne pas déroger, non-seulement maintenait la peine de mort pour quiconque aurait donné la mort, ou se serait rendu coupable de récidive, comme « appelant », mais encore n'admettait aucune exception, et privait tout duelliste de toutes ses char- ges et pensions, avec bannissement pour trois ans et confis- cation du tiers des biens, sans préjudice de peines plus sévè- res, en cas de faute plus grave ^. On eut le tort de ne pas prendre assez au sérieux l'édit nouveau. Le comte de Mont- morency-Bouteville, spadassin titré dont la conscience était déjà chargée d'une trentaine de duels, revint de Bruxelles, où il s'élait réfugié, pour se battre à Paris, en plein midi. 11 avait pour second le comte des Chapelles; tous deux tuèrent leurs adversaires. Arrêtés aussitôt, ils furent condamnés par le Parlement. En vain les Montmorency, les Condé, le duc d'Orléans intervinrent; Richelieu écrivit au roi un éloquent réquisitoire contre ces « gladiateurs à gages ». — « Us ont choisi Paris, un lieu public, la Place Royale, pour jouer, à la vue de la cour, du Parlement et de toute la cour, une san- glante et fatale tragédie pour l'Etat. . Il est question de cou- per la gorge au duel, ou aux édits de Votre Majesté. » Ainsi averti et soutenu, Louis XIII se montra inflexible, et les deux nobles coupables furent décapités en place de Grève, le 21 juin 1627.

Qu'on y songe, il n'y avait pas dix ans que cette tragédie s'était dénouée, lorsque Corneille écrivit la tragédie du Cid. Comment le souvenir s'en fût-il effacé? La toute-puissance de Richelieu s'était brisée contre une tradition plus forte que les

1. Un de ces « gladiateurs », Cyrano de Bergerac, a écrit plus tard une lettre, intitulée Le Duelliste, où il peint ces combats en pleine rue, devant la foula réunie en cercle, sous les balcons bien garnis.

2. Henri Martin, Histoire de France. L'année même du Cid paraissait à Roueo [iC Duelliste malheureux, de Guill. de la Gave, éirange tragi-comédie composé* i l'occasion des édit« contre le duel. Voyez le catalogue Soléinne.

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