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«8 LE CID

et des Suppliantes d'Euripide. 11 est vrai aussi qu'il essaye de masquer les vides, ou, comme on dit aujourd'hui, le» trous de l'action, en imaginant des scènes épisodiques, assez mal rattachées à l'action principale, mais qui sauvent (dans quelle mesure?) la vraisemblance, au prix d'un long ennui intligé au spectateur. C'est en ces moments difficiles que l'infante se dévoue pour occuper la scène, et que les confidentes font leur devoir. Beaucoup plus adroit qu'on ne le pense souvent, Corneille ne se contente pas de recourir à ces petits artifices : sur une situation fausse ou forcée il jette parfois un vers éclatant, qui en voile les côtés faibles. Eh quoi! Rodrigue va combattre don Sanche au sortir de la bataille contre les Maures! Oui :

��Rodrigue a pris haleine en vous le racoutant*»

C'est don Diègue qui le dira en un de ces vers héroïques qui semblent si natiifels dans sa bouche. On admire le cri sublime, et l'on oublie l'invraisemblance, sur laquelle le roi rappelle à tort notre attention, en sollicitant pour Rodrigue quelques heures de repos. Corneille avouait plus tard cette maladresse : « Cela n'a servi qu'à avertir le spectateur... Si j'avais fait résoudre ce combat sans en désigner l'heure, peut-être n'y aurait-on pas pris garde-. » Le spectateur complaisant ne demande pas mieux, en effet, que d'être dupé, à condition qu'on l'occupe et qu'on l'entraîne; mais les scènes intermédiaires et languissantes lui laissent le loisir de la rétlexion. Il réfléchit donc, et il est épouvanté de l'acti- vité qu'ont déployée les héros cornéliens : à supposer que la querelle de don Diègue et de don Gormas ait eu lieu vers le milieu de la première journée, que don Gormas ait été provoqué et tué par Rodrigue vers le soir, que Chimène ait eu le temps de faire près du roi sa démarche avant la nuit, qu'à la nuit enfin don Diègue ait revu son fils et l'ait envoyé combattre les M rures, que la bataille nocturne ait duré trois heures, comme le veut Corneille (car ses personnages, on l'a observé, ont toujours la montre en main), il faut le plaindre

avoir dû ensuite revenir en hâte au palais, faire devant a cour ce long récit épique de son premier exploit, accepter un nouveau combat contre don Sanche, le désarmer et l'envoyer à Chimène. Ajoutez que ce grand guerrier trouve

\. Voyez le ver* 1448.

%. Discourt de la tragédit.

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