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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/240

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^6 LE CID

qu'espagnol ; il urnl les plus brillantes yertus chevaleresque, et l'orgueil nobiliaire qu'il tient de son père à la modestie di héros véritable qui fait tout son devoir, mais veut le faire sam bruit parce que ce n'est que le devoir. Il est fâcheux qu^ Rodrigue, scrupuleux observateur d'une mode que Boileai n'avait pas encore raillée, meure trop par métaphore, et gâte, vers la fin', la belle simplicité de son attitude par quelques traits qui sont d'un matamore ou d'un héros de roman.

On conçoit qu'en sortant d'une telle pièce, Vendôme se soi' écrié : « Voilà pour donner du cœur à des lâches! » Comment se fait-il donc que La Bruyère ait pu écrire ^ : « Quelle plus grande tendresse que celle qui est répandue dans tout le Cid ? ». C'est que cette tendresse n'est pas de celles qui amollissent la trempe d'un caractère. Lisez ces admirables stances du pre- mier acte, trop critiquées. Les antithèses y abondent; mais sont-elles seulement dans les mots? L'opposition entre le devoir et l'amour, entre don Diègue etChiméne, n'est-elle pas dans les choses mêmes? Ecartons les ornements éclatants 4ue la France empruntait volontiers à l'Espagne : n'est-ce pas la nature qui parle? Ce monologue est à lui seul tout un drame ; les sentiments les plus divers s'y succèdent. C'est d'abord la stupeur profonde qui paralyse le héros; puis sa douleur éclate en plaintes touchantes, auxquelles semble suc- céder bientôt la résignation du désespoir. Tour à tour l'amour et le devoir élèvent la voix, jusqu'au moment où le devoir enfin parle seul, où le fils de don Diègue, soucieux avant tout de l'honneur de sa maison, reprend possession de lui-même. Alors, plus de pointes galantes; le chevalier espagnol a disparu, il ne reste plus qu'un homme, mais un homme tout près de devenir un héros 11 soutfre avant de faire son devoir, il souffre après lavoir fait. A la joie triomphante de son père, il oppose un visage triste, dont le vieillard s'étonne. Non qu'il regrette lâchement ce qu'il a fait, mais il sent le prix de ce qu'il a perdu, et quand don Diègue parle de son honneur vengé, il songe, lui, à son bonheur sacrifié.

Chimène le connaît bien, et lui ressemble, fière dans sa triatesse, aimable dans son héroïsnae. C'est parce qu'elle le

��I. Voir la dernière scène. Lemercier écrit pourtant : « Ce beau rôle finit par na trait qui fait rayonner l'amour chevaleresque de splendeur et de majesté Rodrigue, vainqueur dans trois combats, est admis devant son roi qu'environnesa eonr; mais le monarque, les courtisans, l,i pompedu trône et les égards de l'éti- quette disparaissent à ses yeux en présence de la personne qu'il aime: il ne porte r>s hommages qu'aui pieds de Chimène. » Soit, mais ces hommages sont-ilt dignes du Gid 7

jl. Des ouvrages de I'«tprit.

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