Aller au contenu

Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vait-il moins faire <. après tant de bienfaits »? Avec je ne sais quel orgueil dans l'humilité,il écrivait: «Depuis quej’ai l’honneur d’être à Son Éminence... • Il formait des vœux pour le rètabli:^- sement de cette santé précieuse, alors déjà bien compromise. Peu après, Richelieu mourait, et sa mort, ea délivrant Corneille d’un souci toujours présent, ne laissa pas sans doute que de l’embarrasser, car, d’une part, les « bienfaits » du cardinal en- chaînaient son indépendance, et, de l’autre, il savait qu’en le perdant, il perdait uu protecteur plus gênant que certains ennemis. C’est ce qu’entend Pellisson lorsqu’il observe que Corneille considérait le cardinal à la fois comme son bienfaiteur et comme son ennemi i. C’est ce que voulait faire entendre Corneille lui-même, lorsqu’à composait celte épitaphe ambiguë du grand ministre :

Qu’on parle mal ou bien du fameux cardinal,
Ma prose ni mes vers n’en diront jamais rien :
Il m’a fait trop de bien pour en dire du mal,
Il m’a fait trop de mal pour en dire du bien.

N’était-ce pas se tirer d’affaire en Normand ? Qu’en pensa le docte Claude Sarrau, conseiller au Parlement de Paris, qui, dans un latin engageant, invitait Corneille à écrire le panégyrique du grand mari? « MuUis ille quidem flebilis occidit, nulli flebillor quam tibi, Corneli. Ille tamen, volens, nolens, Apollinari laiixa caput tuum redimivisset, si perennasset diutius. Operum sai’em luorum insignem laudatorum amisisti ». « Cette dernière phrase serait-elle ironique? On le croirait a lire la phrase précédente : oui, volens, nolens, bon gré, mal gré, Richelieu eût laissé à Corneille la couronne poétique, ce qui revient à dire que le génie de Corneille, triomphant de tous les obstacles, eût fini par s’imposer à Richelieu lui-même. Est-ce une raison pour adopter le paradoxe ingénieux qui ferait du cardinal l’ami le plus dévoué, le plus chaleureux défenseur de l’auteur du Cidl A quoi se réduisent, au fond, ces bienfaits dont on mène si grand bruit? A une pension de cinq cents écus, octroyée au poète par le roi, peut-être aussi aux lettres de noblesse que reçut le père de Corneille. au lendemain de la victoire du Cid, qui raviva le souvenir d’anciens

1. Relation contenant l’histoire de l’Académie française, 1653.

2. Lettre du 14 décembre 1642.