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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/262

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88 LE CID

Nous arons souligné les premiers et les derniers vers pour rendre son véritable caractère à un morceau qu'on risque de mal comprendre, si l'on ne cite que la flère apologie connue de tous. Isolée de ce qui précède et de ce qui suit, cette apo- logie semble bien superbe, et l'on comprend qu'elle ait sou- levé tant de protestations; mais le début et la fin corrigent ce que les vers du milieu pourraient avoir de trop personnel; l'orgueil à demi castillan de l'auteur du Cid y est tempéré par la bonhomie narquoise du Normand ; et l'on n'a pas le courage d'en vouloir au poète qui, d'avance, avec un sourire, nous a mis en garde contre les exagérations complaisante» de la vanité :

Le prix que nous vaJons, qui le sait mieux que nous?

Il est certain pourtant qu'à l'heure où Corneille les écrivait, de tels vers, même atténués ainsi, prêtaient à des interpréta- tions fâcheuses. Le protégé de Richelieu, l'imitateur de Guilhem de Castro avait-il le droit de déclarer qu'il ne devait toute sa renommée qu'à lui seul? Il pouvait le croire, mais ne devait pas le dire. Armés enfin d'un prétexte, ses envieux ne tardèrent pas à lai faire sentir son imprudence : il s'était dit leur égal à tous; ils affectèrent de croire qu'il s'était pro- clamé leur maître.

��II« PÉRIODE. — HAIRRT — SCnoiST — CLAVEHET.

A la distance où nous sommes de ces querelles, Corneille nous apparaît tellement supérieur à ses rivaux que nous avons peine a comprendre comment ils ont osé s'attaquer à lui, comment il a daigné leur répondre. On le comprenait mieux alors. Jusqu'en 1636, aucun chef-d'œuvre n'avait mis Corneille absolument hors de pair; Mairet et Scudéry mar- chaient de front avec lui, et il imprimait, non sans fierté, leurs vers complaisants en tête de sa Veuve, comme Scudéry imprimait les éloges rimes de Corneille en lête de son Li(jdamon et de son Trompeur puni. Au reste, ne nous y trom- pons pas, ce n'étaient point là de trop indignes adversaires : Mairet, l'auteur de Sophonisbe, était aussi l'auteur de la Sylvie, cette pastorale dont le succès fut si prodigieux. Toute jalousie littéraire mise à part, c'était un galant homme, cou-

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