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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/281

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INTRODUCTION 107

distinguent beaucoup plus par le ton d'impartialité et de mo- dération qu'ils affectent, que par la justesse de la critique. » Rien de plus vrai : pour bien juger cette œuvre, ce n'est pas du côté littéraire qu'il faut l'envisager. Quoi qu'en dise Geoffroy !a logique n'en est pas toujours exacte, les raisonnements n'j' iont pas toujours concluants; avec bien plus de raison, au contraire, le même Geoffroy y loue l'habileté déployée pour sortir d'un pas difficile et ne mécontenter ni le cardinal ni le le public, le ton décent et honnête qu'on y rencontre d'un bout à l'autre, l'air de prudence et de raison qui soutient l'en- semble et qui persuade ^ En somme, c'est une œuvre moyenne, mais aussi, dans le bon sens du mot, une œuvre honnête.

« On peut regretter de n'y pas trouver cet étonnement naïf et généreux qui nous saisit encore aujourd'hui à la vue de ces beautés si neuves et si charmantes, de ces vers si vigou- reux et si délicats , de toutes ces grâces de la jeunesse dains le génie et dans les personnages qu'il crée. Mais l'Académie n'avait point à faire valoir les 'séductions de la pièce; son rôle était de défendre contre les défauts du Cid le goût public, qui se formait pour les beautés de Cinna et de Polyeucte. D'ailleurs, par la résistance qu'elle fît au cardinal, avant de rendre ce jugement, par la lenteur qu'elle mit à en donner connaissance au public, elle témoigna clairement que si elle relevait des défauts, c'était dans un objet admiré-. »

D'ailleurs, ne l'oublions pas, c'est un des premiers mor- ceaux de saine critique littéraire qui aient paru en France. En faisant nos réserves sur « cette cote mal taillée des défauts et des beautés de la pièce ^ », n'en méconnaissons pas la nou- veauté. Invoquée comme arbitre, l'Académie avait pris'au sérieux cet arbitrage, et s'était tenue à égale distance de la complaisance et de l'hostilité. Scudéry feignit de s'y tromper, et remercia l'Académie d'un jugement d'où il sortait plus maltraité que Corneille. Mais l'Académie lui répondit par la plume du grave Chapelain : « Je sais que la principale inten- tion de la Compagnie a été de tenir la balance droite, et de ne faire pas d'une chose sérieuse un compliment ni une civi- Kté *. »

��1. Cours de littérature dramatique. — M. Guixot dit avec justesw : « La coût, plus éclairé par les progrès de la raison, na enKèrement .ipprouvé ni les censures, ni même tous les éloges de l'Académie. » (Corneille et son tempi.)

2. Nisard, Hist. de la littérature française, t. II.

3. Le mot est de Sainte-Beuve.

4. Lettre de Chapelain, 19 décembre iS37. — Au contraire, dans le Afémortal de Sainte-Hélène, Napoléon I" exagère lorsqu'il dit : « Rien n'apprend mieux k bien parler une langue que la lecture de "* Critique du Cid et des Commen-

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