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INTRODUCTION 439

Le scheîk, sans ébaucher même un buenos dias, Dit : » Manant, je viens voir le seigneur Ruy Diaz, Le grand campeador des Castilles. » Et l'homme, Se retournant, lui dit : « C'est moi. » — Quoi ! vous qu'on

[nomme Le héros, le vaillant, le seigneur des pavois, S'écria Jabias, c'est vous qu'ainsi je vois ! Quoi ! c'est vous qui n'avez qu'à vous mettre en campagne Et qu'à dire : « Partons! » pour donner à l'Espagne, D'Avis à Gibraltar, d'Algarve à Cadafal, grand Cid, le frisson du clairon triomphal, Et pour taire accourir, au-dessus de vos tentes. Ailes au vent, l'essaim des victoires chantantes !

L'admirable vers, et qui eût fait envie à Corneille ! Le scheik s'étonne. Est-ce donc là ce vainqueur que les plus grands sa faisaient gloire de servir, que traitaient familièrement les princes?

Cid était le baron suprême et magistral ; Vous dominiez tout, f^rrand, sans chef, sansjoug, sans digue. Absolu, lance au poing, paunche au front. Rodrigue Répondit : « Je n'étais alors que chez le roi ».

Et le scheik s'écria : « Mais, Cid, aujourd'hui, quoi, Que s'est-ii donc passé? quel est cet équipage? J'arrive, et je vous trouve en veste, comme un page, Dehors, bras nus, nu-tête, et si petit garçon Que vous avez en main l'auge et le caveçon, Et faisant ce qu'il sied aux écuyers de faire ! »

— « Scheik, dit le Cid, je suis maintenant chez mou père*.»

��Dans ce beau morceau épique, le Cid n'est-il que le fils de don Diègue ? n'est-il pas déjà l'arbitre « absolu « des rois et des peuples, le grand vassal qui relève de lui seul, « sans chef, sans joug? » Il est malheureux que le poète, à cette heure de maturité puissante oii il ressuscitait l'épopée fran- çaise, déclarée impossible, n'ait pas fixé pour toujours la 'igure idéale du Rodrigue historique et poétique à la fois. C'est longtemps après qu'il écrivil W Cid exilé el le Romancero iu Cid. Le Cid a vieilli dans l'intervalle, le poète aussi, par malheur.

Exilé, par un caprice du roi, dans tes pays basques, où il e^

^ Légende de* siècles, première série ; Bivar.

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