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140 LE CID

adoré, puis rappelé par un caprice nouveau, le bon Cid donne audience h l'envoyé royal, sans cesser d'offrir l'avoine à son cheval Babiéça. Vis-à-vis du condottiere hautain, cet envoyé, enflé de son importance, se montre assez médiocre diplo- mate :

Voti-e allure est chez lui si fière et si guerrière Que, tout roi qu'est le roi, Son Altesse a souvent L'air de vous annoncer quand vous mcU"chez derrière. Et de vous suivre, ô Cid, quand vous marchez devant.

Quand vous lui rapportez, vainqueur, quelque province, Le roi trouve, et ceci de uous tous est compris, Que jamais un vassal n'a salué son prince, Cid. avec un respect plus semblable au mépris. *

Comment s'étonner que le Cid le reçoive si mal, et lui crache au visage son mépris? Ce qui étonne davantage, c'est cjue ce roi ainsi humilié aille chercher le Cid dans son nid d'aigle, et s'expose de gaieté de cœur à l'accueil le moins encou- rageant.

Roi, soyez le mal venu...

Vous êtes petit roi Sanche;

Mais le Cid est grand pour deux...

Je suis le Cid calme et sombre, Qui n'achète ni ne vend, Et je n'ai sur moi que l'ombre De la main du Dieu vivant.

L'originalité de ce caractère, c'est qu'il est à la fois très indépendant par nature, et très discipliné, par volonté. Il accable de reproches hautains ce roitelet qui tremble devant lui comme la feuille, il lui fait sentir le poids de sa protection dédaigneuse :

Roi, c'est moi qui te protège;

mais il daigne reconnaître sa souveraineté nominale, il est fidèle par point d'honneur, par tradition, et aussi pour accom- phr une sorte de mission providentielle :

1. Légmde de$ siêeles, nouTelle térie

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