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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/34

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IX BIOGRAPHIE DE CORNEILLE

lande de Julie, mais a respecté Polyeucte, que l'hôtel de Ram- bouillet n'approuvait pas.

Ainsi Corneille traversait la société mondaine, sans méconnaître son influence, sans dédaigner ses suffrages, mais aussi sans lui sacrifier son indépendance. Les précieuses estimaient fort « Cléo- crite ' », et il faut avouer qu'elles avaient leurs raisons pour goûter des pièces où les raffinements du style précieux gâtent parfois les plus belles scènes, où elles voyaient réalisé, près du vrai sublime, ce qu'on appelait alors le sublime du tendre. Est-il vraisemblable qu'elles l'eussent tant fêlé, si Corneille eût été le vulgaire personnage dont Vigneul-Marville nous trace le portrait au moins chargé? « A voir M. de Corneille, on ne l'aurait pas pris pour un homme qui faisait si bien parler les Grecs et les Romains, et qui donnait un si grand relief aux sentiments et aux pensées des héros. La première fois que je le vis, je le pris pour un marchand de Rouen. Son extérieur n'avait rien qui parlât pour son esprit, et sa conversation était si pesante qu'elle deve- nait à charge dès qu'elle durait un peu. Une grande princesse, qui avait désiré de le voir et de l'entretenir, disait fort bien qu'il ne fallait point l'écouter ailleurs qu'à l'hôtel de Bourgogne. Cer- tainement M. de Corneille se négligeait trop, ou, pour mieux dire, la nature, qui lui avait été si libérale en des choses extraor- dinaires, l'avait comme oublié dans les plus communes. Quand ses familiers amis, qui auraient souhaité de le voir parfait en tout, lui faisaient remarquer ces légers défauts, il souriait et disait : « Je n'en suis pas moins pour cela Pierre de Corneille 2. » Arrê- tons la citation sur ce trait de fierté qui relève les autres détails du portrait, et ne nous donnons pas, avec Vigneul-Marville, le ridicule de prétendre que Corneille « n"a jamais bien parlé cor- rectement la langue française ». Accordons à ce Chartreux s que C)rneille était moins homme du monde que lui; qu'il avait « l'air fort simple et fort commun, toujours négligé ». C'est Fon- fenelle qui le déclare et Fonteuelle n'est pas suspect, et Corneille ne l'eût pas démenti, lui qui se proclame

Bon galant au thnâtre et fort mauvais en vill«*.

|. Somaize, Dictionnaire des précieuses.

>. Àiéianges d'histoire et de littérature, 1701.

.1, Vigneul-Marville est le pseudonyme du chartreui Bonaventure d'Ar^onn*.

4. Lettre à Pellisson déjà citée.

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