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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/344

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170 LE CID

Je souffire cependant un tourment incroyable : Jusques à cet hymen Rodrigue m'est aimable ; Je travaille à le perdre, et le perds à regret, 115

Et de là prend son cours mon déplaisir secret. Je vois avec chagrin que l'amour me contraigne A pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ; Je sens en deux partis mon esprit divisé : Si mon courag'e est haut, mon cœur est embrasé ; 120

Cet hymen m'est fatal, je le crains et souhaite : Je n'ose en espérer qu'une joie imparfaite. Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d'appas, Que je meurs s'il s'achève ou ne s'achève pas.

LÉONOR.

Madame, après cela je n'ai rien à vous dire, l!9il

Sinon que de vos maux avec vous je soupire :

114. Ce flU si vertneax d'an père si coupable.

S'il ne devait régner, me pourrait être aimable. (Héraelitu, M.)

116. De là prend son cours, là est la source de mon chagrin, car le mot dé- plaisir, lui aussi, avait un sens très fort. Le vieil Horace parle du « déplaisir » que lui cause la mort de sa fille (1459); Auguste, trahi par ceux qu'il romble de bienfaits, sent sa constance succomber sous les « déplaisirs » {Cinna, 1194), et Cléopâtre expirante ne trouve point dans Rodogune (1814) de terme plus éner- gique pour exprimer son regret de mourir sans être vengée.

117. Var. Je snis ao désespoir que l'amour me contraigne (1637-60.)

Dans cette variante, l'emploi du subjonctif est des plus naturels ; mais il ne l'est pas dans le texte définitif. Il semble que nous mettrions plutôt ici l'indi- catif, comme en cet autre vers de Corneille, plus remarquable encore :

La pins belle des deux, je crois qne ce soit l'antre. {Menteur, 206.)

118. L'Académie fait ici cette remarque, qui semble fondée : « Dédaigne dit trop pour sa passion, car en effet elle l'estimait. Elle voulait dire : pour ce que je devrais dédaigner. »

120. Comme au vers 98, le courage, c'est ici la fermeté d'âme, la vertu dans le sens du latin. Seulement, ici, à courage est opposé cœur, c'est-à-dire qu'à la hauteur de la raison est opposée la violence de la passion. Embrasé est encore un mot emprunté à la phrâséologffe galante du temps, où l'amour s'appelait souvent un brader.

Dites, dites, seigneur, qu'il est bien malaisé

De céder ce qu'adore un canir bien embraté. (Tile, 638.)

121. Le sert ici de régime à la fois à craindre et à souhaiter. « L'usage, dit l'Académie, veut que l'on répète l'article le, d'autant plus que les deux verbes sont de signification fort différente. » Cette critique de l'Académie prouve que cette construction, très fréquente dans le vieux français, atait vieilli. CorneiU* poortart ne modifia pas son vers.

122. Var. Je ne m'en promets rien qu'une joie imparfaite.

Ma gloire et mon amour ont tons deux tant d'appas Que je mear* sll s'achève et ne s'achève pas. (1637-M.)

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