Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il vous fait gouverneur du prince de Castille.

D. DIÈGUE.

Cette marque d’honneur qu’il met dans ma famille
Montre à tous qu’il est juste, et fait connaître assez
Qu’il sait récompenser les services passés.

LE COMTE.

Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes,
Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans
Qu’ils savent mal payer les services présents. 160

D. DIÈGUE.

Ne parlons plus d’un choix dont votre esprit s’irrite : La faveur l’a pu faire autant que le mérite ; Mais on doit ce respect au pouvoir absolu De n’examiner rien quand un roi !’• voulu.

��« Cela n’est pas français ; il faut dire élever à un rang » ; mais il est certain que la tournure est peu ordinaire.

153. Don Sanche, piinre de Castille, l’aîné des trois ûls de Ferdinand I" 1«  Grand. 11 régna plus tard de 1065 à 1073, sous le nom de Sanche II le Fort, et, après avoir dépouillé ses frères, il périt assassiné devant Zaraora, qu’il vou- lait enlever à sa sœur, l’infante Urraca, celle dont Corneille fait revivre le nom, en écartant l’autre infante, mais en prêtant son nom à la « gouvernante » Elvire. La charge de gouverneur d’un tel prince ne devait pas être fort en- viable, si nous en croyons Guiihem de Castro, qui, dans son drame s’est plu à nous peindre les fureurs précoces du jeune don Sanche.

157. Pour grands que, si grands que, quelque grands qu’ils soient; le tour moderne est beaucoup moins vif.

Pour grand gu’ea soit le prix, son péril en rabat (Pompée, 1547.)

C’est un très ancien gallicisme. M. Godefroy, dans son Lexique, montre par des exemples empruntés aux auteurs du xix° siècle, que cette excellente tour- nure tend à revivre. — Ils sont ce que nous sommes. Dans son admirable para- phrase du psaume ozlv, Malherbe avait ainsi parlé de la puissance impuissante des rois:

Ce qu’ils peavent n’est rien : ils sont, comme nous sommes,

Véritablement hommes, Et meuient comme Doas.

16i. On observera la différence qui se marque dès le début entre les deux caractères : aux paroles hautaines du comte don Diègue évite de répondre et ■e hâte de passer à un sujet qu’il suppose devoir lui être plus agréable.

162. Var. La faveur Ta pn faire avant que le mérite. (1637, in-12.)

163. Var. Vous choisissant peut-être on eût pa mieux choisir;

Mais le roi m’a trouvé plus propre à son désir. (1637-66.)

164. Ces maximes sur la toute-puissance des rois sont un des lieaz commaM de la poésie dramatique au début du xvii° siècle :

Dans les desseins d’un roi, comme dans ceux des dieux, De fidèles sujets doivent fermer les jeux.

�� �