Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/40

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Pour m’en trop plaindre en vain je deviens ridicule,
Et l’on ne m’entend pas, ou l’on le dissimule...
Cette reine des cœurs, cette divinité,
J’ai retrouvé son nom : la Libéralité.

Cette note chagrine, Corneille la fera entendre plus d’une fois encore, et si sa persistance à faire appel à la générosité des grands ne le rendit pas tout à fait « ridicule », en un temps où les plus fiers s’abaissaient au rôle de solliciteurs, elle dut lui créer tout au moins quelques embarras. Est-ce pour y échapper qu’il accepta, au début de la Fronde, le 15 février 1650, en remplacement d’uu magistrat frondeur, l’importante charge de procureur-syndic des États de Normandie ? Ce n’était point une sinécure, surtout eu dé- telles circonstances : d’ordinaire, élu et mandataire des dépu- tés de la province, le procureur-syndic devait, dans l’intervalle des sessions, veiller à l’exécution des décisions prises par les États. La nominatioude Corneille prouve qu’il était bon royaliste,, mais non qu’il était apte à bien remplir ce rôle nouveau pour lui. Aussi les auteurs de Mazarinades s’égayèrent-ils h. ses dépens : » On a donné à Baudry un successeur qui sait fort bien faire des vers pour le théâtre, le sieur Corneille, poète fameux, mais qu’on dît être assez mal habile pour manier les grandes affaires. Bref il faut qu’il soit ennemi du peuple, puisqu’il est pfrusionnaire de Mazarin [1]. » Au bout d’un an, la paix conclue entre les Fron- deurs et la cour rétablît Baudry dans sa charge.

M. Chéruel, qui cite le pamphlétaire frondeur, tire de ce passage- uue conclusion au moins contestable: « Quelques critiques, écrit-il, out cru que Pierre Corneille avait cherché des inspira- tions dans la Fronde. C’est une erreur que réfutent et la vie de Corneille et l’étude de ses œuvres. Il est, au contraire, maltraité par les auteurs de Mazarinades [2]. » Cest confondre deux choses très distinctes: les attaques des Frondeurs pro-urenlque Corneille n’élait point partisan de la Fronde; elles ih’ont pu lui rendre indifférents des événemeists dramatiques au suprême degré et. dont l’iniluence, au contraire, a été directe sur son géuie : la. Fronde, cette grande tragi-comédie, l’a ramené à la tragi-comédie,

  1. Bibliographie des Mazarinades, t. I, p. 50; Apologie de M. le duc de Longueville.
  2. Histoire de la minorité de Louis XIV.