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ACTE IV, SCÈNE III 259

Elle ne produit point de si rares succès. 1240

Souffre donc qa on te 'oue, et de cette victoire Apprends-moi plus au long la véritable histoire.

D. RODRIGUE.

Sire, VOUS avez su qu'en ce danger pressant

Qui jeta dans la ville un effroi si puissant,

Une troupe d'amis chez mon père assemblée 1245

Sollicita mon âme encor toute troublée...

Mais, Sire, pardonnez à ma témérité,

Si j'osai l'employer sans votre autorité :

Le péril approchait, leur brigade était prête ;

Me montrant à la cour, je hasardais ma tête, 1250

Et s'il fallait la perdre, il m'était bien plus doux

1244. Puissant, qui produit un grand effet :

Je sens naître en mon àme nn repentir puUêemt. {Cinna, 1719.)

Le fer ne produit pas><ie ai puissante eSorts. (Racine, firiMnnjeiu, 1634.)

1246. « Sollicita mon àme seulement n'est pas asseï dire; il fallait ajouter de

quoi elle avait été sollicitée. » (Académie.) A quoi bon? Solliciter a ici un sens

analogue au latin sollicitare, qui signifie proprement tenter, séduire, par

suite : pousser en avant par l'attrait d'une proposition, d'un projet, entraîner.

Un aTantage égal poar eux me tollicite. (Rodogune, 356.)

<c Mitbridate avait l'art de solliciter les peuples. » (Montesq., Grand, et déc, VII.) On comprend donc fort bien que Rodrigue veut dire : une troupe a'amis, par ses sollicitations, tenta mon âme, et me décida à partir pour combattre les Maures.

1249. « Cinq cents hommes est un trop grand nombre pour ne l'appeler que brigade, » écrit Scudéry, qui, toujours matamore, le prend ici de très haut avec Corneille, ignorant des choses militaires. L'Académie lui donne tort : ■• Le mot de brigade se peut prendre pour un plus grand nombre que de cinq cents. Il est vrai qu'en terme de guerre on n'appelle brigade que ce qui est pris d'un plus grand corps, et quelquefois on peut appeler brigade la moitié d'une armée, que l'on détache pour quelque effet ; mais en terme de poésie on prend brigade pour troupe de quelque façon que ce soit, n

Je sais qae sa brigade, à peine deseendne,

Rétablit à nos yeux la bataille perdae. [Toison Sur, 261.)

Et partoot des passants encbalnsnt les brigades. (Boilean, Satire VI.)

1230. Var. Et paraître à la oonr eût hasardé ma tète.

Qu'à défendre l'Etat j'aimais bien mienx donner

Qn'anx plaintes de Cnimène ainsi Tabandonner. (1637-66.)

11 y avait une sorte d'inconvenance dans ce dernier vers, où Rodrigue, quelque* n<^ures après l'entrevue du III' acte, prononce si légèrement le nom de Chimène, Corneille a dû le sentir, et il a substitué à ce sentiment vulgaire, presque indé» licat, on sentiment plus généreux. Il lui eût été facile, en effet, de ne pas modi. lier ces vers en se conformant à l'observation de l'Académie : u On ne peut faire un substantif de paraître pour régir eût hasardé. » Mais l'Académie avait tort, et Corneille a manqué de logique, car cet excellent latinisme reparaîtra au sers 1429 :

L'opposer seal à tons serait trop d'iqtastiee.

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