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268 LE CID

Un juste déplaisir à ce point m'a réduite.

Son trépas dérobait sa tête à ma poursuite;

S'il meurt des coups reçus pour le bien du pays.

Ma vengeance est perdue, et mes desseins trahis; 1360

Une si belle fin m'est trop injurieuse.

Je demande sa mort, mais non pas glorieuse.

Non pas dans un éclat qui l'élève si haut,

Non pas au lit d'hoimeur, mais sur un échafaud.

Qu'il meure pour mon père, et non pour la patrie; 1365

Que son nom soit taché, sa mémoire flétrie.

Mourir pour le pays n'est pas un triste sort,

C'est s'immortaliser par une belle mort.

J'aime donc sa victoire, et je le puis sans crime; Elle assure l'État et me rend ma victime, 1370

Mais noble, mais fameuse entre tous les guerriers, Le chef, au lieu de tleurs, couronné de lauriers; Et pour dire en un mot ce que j'en considère. Digne d'être immolée aux mânes de mon père...

Hélas, à quel espoir me laissc-je emporter! 1375

1357. Sur le sens si affaibli du mot déplaisir, voyez la note du vers 116. 1361. M'est trop injurieuse, me fait trop de tort, en le dérobant au châtiment

Sue je réclame pour lui. Injurieux a ici le sens latin d'injuste, contre le droit; odrigue n'a pas droit à une mort si glorieuse.

L'ordre des cieox

En me la refasant m'est trop injurieux. (Polyeucte, 1394.)

1364. An lit d'honneur, au champ d'honneur, en combattant :

Cet amant fortuné, ce prodige en bonheur

Pour dernier avantage est mort au lit d'honneur. (Trittan, Panthée, V, 1 )

1368. Corneille dira bientôt dans Horace (II. 3) :

Mourir pour le pays est un si digne sort Qu'on briguerait en foule une si belle mort.

et dans ŒJipe (II, 3) :

Mourir pour sa patrie est nn sort plein d'appas Pour (juiconque à des fers préfère le trépas.

Avant lui le vieux tragique Garnier, le Corneille du xvi« siècle, avait dit : Qui meurt pour le pays vit éternellement. {Porcie.)

1370. Elle assure, elle fortiûe, afTemiit l'État.

Le grand nom de Pompée assure sa conquête. (Racine, Uithridate, 1H,

i372. Sur chef pour tête, voyez la note du vers 572. 1375. A quel espoir, par quel espoir.

Il soupçonne aussitôt .«oii manquement de foi.

Et se laisse surprendre à ((aelque peu d'effroi. [Pompée, 464.)

Corneille dit de même : « Se laissant ravir à l'amour » {Horace, 59); « m Uiisant toucher à vos bontés » [Cinna, 1216), et Racine:

Je me laissai conduire à cet aimable guide. {Iphigénie, 11,1.)

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