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278 LE CID

Quoi! n'es-tu généreux que pour me faire outrage?

S'il ne faut m'oCfenser, n'as-tu point décourage,

Et traites-tu mon père avec tant de rigueur,

Qu'après l'avoir vaincu tu souffres un vainqueur? 1520

Va, sans vouloir mourir, laisse-moi te poursuivre,

Et défends ton honneur, si tu ne veux plus vivre.

D. RODRIGUE.

Après la mort du Comte et les Mores défaits,

Faudrait-il à ma gloire encor d'autres effets?

Elle peut dédaigner le soin de me défendre : 1325

On sait que mon courage ose tout entreprendre,

Que ma valeur peut tout, et que dessous les cieux,

Auprès de mon honneur rien ne m'est précieux.

Non, non, en ce combat, quoique vous veuilliez croire,

Rodrigue peut mourir sans hasar'der sa gloire, 1530

Sans qu'on l'ose accuser d'avoir manqué de cœur,

Sans passer pour vaincu, sans souffrir un vainqueur.

On dira seulement : « Il adorait Chiméne;

Il n'a pas voulu vivre, et mériter sa haine;

Il a cédé lui-même à la rigueur du sort 1535

Qui forçait sa maîtresse à poursuivre sa mort :

Elle voulait sa tête, et son cœur magnanime.

S'il l'en eût refusée, eût pensé faire un crime.

Pour venger son honneur il perdit son amour.

Pour venger sa maîtresse il a quitté le jour, 1540

1517. Outrage n'a pas ici exactement le sens d'a/fron^, qui serait faible, puisqu'il s'agit de la mort du Comte. Etymologiquement, un outrage (ultra), c'est tout ce qui outrepasse les bornes, tout excès d'injustice, d'orgueil ou de violence.

1520. L'argument en forme serait celui-ci : En te déshonorant, tu déshonores mon père, puisqu'après l'avoir vaincu, hi te laisses vaincre par don Sanche, adversaire peu redoutable. Que dira-t-oa de mon père? et que dira-t-on de toi?

1521. Var. Non, sans vcaloir moarir, laisse-moi te ponnnivre. (1637-56.)

1522. « Ce vers est également adroit et passionné ; il est plein d'art, mais de cet art que la nature inspire. Il me paraît admirable, mais le discours de Cbt- mène est un peu trop long. » (Voltaire.) Ce dernier reproche semble contestable, si l'on considère ce que Cbimène veut et doit obtenir de Rodrigue.

1523. Après les Mores défaits; voyez sur cette construction lanuteduvem t44.

1524. Var. Mon lionnenr appnyé sur de si grands effets

Contre an antre ennemi n'a pins à se défendre. (1637-N.)

1527. Sur cet emploi de dessous, voyez la note du Ten 532.

1528. Vaf. Qaand mon honnear j va, rien ne m'est précieu. (16Ï7-E6.)

L'Académie avait remarqué qu'il fallait dire : quand il y va de mon honnem', — Auprès de, en comparaison de, locution familière à Corneille et à Racine. 1538. S'il ten eût refusée, voyez sur cette tournure le vers 218.

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