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xxxviii BIOGRAPHIE DE CORNEILLE

retraite et à m'imposer un silence que je garderais encore si M. le procureur général Fouquet me l'eût permis. Comme il n'était pas moins surintendant des belles-lettres que des finances, je ne pus me défendre des ordres qu'il daigna me donner de mettre sur notre scène un des trois sujets qu'il me proposa. Il m'en laissa le choix et je m'arrêtai à celui-ci, dont le bonheur me vengea bien de la déroute de l'autre, puisque le roi s'en satisfit assez pour me faire recevoir des marques solides de son approbation par ses libéralités, que je^pris pour des commande- ments tacites de consacrer aux divertissements de Sa Majesté ce que l'âge et les vieux travaux m'avaient laissé d'esprit et de vigueur. »

Ainsi, c'est l'amour-propre qui avait écarté Corneille de la scène, et il suffit de l'amour-propre pour l'y ramener. Le même sentiment se laisse deviner dans l'Avis Au lecteur, où Fouquet est glorifié pour avoir su « ressusciter les mases ensevelies dans un long silence, et qui étaient comme mortes au monde, puisque le monde les avait oubliées ». Corneille exagère un peu sans doute, lorsqu'il écrit : « Sans ses commandements, je n'aurais jamais fait l'Œdipe; » car, s'il n'eût fait Œdipe, il eût fait toute autre tragédie, et tôt ou tard fût sorti du long silence qui com- mençait à lui peser. L'intervention du surintendant ne fut donc pas la cause unique, ni même sans doute la cause principale de la décision, soudaine en apparence, que prit Corneille ; du moins, elle lui fournit l'occasion désirée, et il la saisit avec un empres- sement significatif : en deux moi?, Œdipe était prêt (1659).

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LA SECONDE MANIÈRE DE CORNEILLE (16S9-1'666).

(i J'ai eu le bonheur de faire avouer à la plupart de mes audi- teurs que je n'ai fait aucune pièce de théâtre où il se trouve tant d'art qu'en celle-ci, bien que ce ne soit qu'un ouvrage de deux mois, que l'impatience française m'a fdit précipiter, par un juste empressement d'exécuter les ordres favorables que j'avais reçus'. >' C'est ainsi que Corneille parle d'Œdipe, et il en a le

\. Au lecteur.

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