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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/55

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ETUDE D'ENSEMBLE xl;

C'est Thésée qui expose la doctrine soutenue par les jésuites, maîtres de Corneille :

Le ciel, juste à punir, juste i récompenser,

Pour rendre aux actions leur peine ou leur salaire.

Doit nous offrir son aide, et puis nous laisser faire'.

On comprend que Dircé veuille se montrer « digne du grand Thésée ». et l'on doit reconnaître qu'elle y réussit. Tantôt hau- taine, elle brave en face ses ennemis ; tantôt, lorsque l'oracle l'a vouée à la mort, bien soudainement résignée, dévorée par une « impitoyable soif de gloire », elle manifeste une extraordinaire impatience de « mourir pour la patrie », de se dévouer pour « le public ». L'amour est étouffé par le patriotisme, la passion est maîtrisée par le devoir : rien de mieux au point de vue mo- ral; mais le patriotisme est encore plus froid que l'amour, et la victoire du devoir sur la passion n'est pas dramatique, parce qu'elle n'est pas achetée au prix de ces efforts douloureux qui, seuls, passionnent l'àme humaine. Comme la plupart des hé- roïnes de Corneille, dans les pièces de la seconde manière, Dircé est trop facilement héroïque. Elle ne nous touche pas plus que l'impassible OEdipe.

Mettons à part la Toison d'or (1660\ pièce à grand spectacle comme Andromède, et dont nous parlerons bientôt 2 : dès à présent, on peut remarquer que la passion y triomphe, puisque .Médée suit Jason, sachant qu'elle trahit son père et son pays. Pour rendre cette passion plus intéressante, le poète, ici encore, a imaginé une intrigue amoureuse supplémentaire, et donné à Médée pour rivale la reine de Lemuos, Hipsypyle, princesse fort tendre et spirituelle, au point de se permettre des jeux de mots assez peu antiques :

Je n'ai que des attraits et vous avez des charmes^.

Mais le grand intérêt de la Toison d'or est dans le prologue courageux où la France plaint la misère des peuples accablés par la guerre :

A vaincre si longtemps mes forces s'affaiblissent ;

1. ŒHipe, III, 5.

2. Voyez la dernière partie de l'étude sur Médée.

3. Toison dor, III, 4.

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