Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/67

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ETUDE D'ENSEMBLE mii

temont que le sénat accorde à leur mariage? Ce qui est certain, c'est que Corneille, en dépit de ces erreurs inévitables, n'avait rien ménagé pour donner à sa pièce un intérêt actuel. 11 y a dans Tite et Bérénice autre chose que de profondes considérations historiques, autre chose que des vers brillants, comme celui-ci, passé en proverbe :

Chaque instant de la vie est un pas vers la mort'.

11 n'est pas impossible de voir un portrait de Louis XIV victo- rieux, dans ce portrait de Titus ;

Mon nom par la victoire est si bien affermi Qu'on me croit dans la paix un lion endormi ; Mon réveil incertain du monde fait l'étude, Mon repos en tous lieui jette l'inquiétude, Et, tandis qu'en ma cour les aimables loisirs Ménagent l'heureux choix des jours et des plaisirs, Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre pôle, Je n'ai qu'à faire un pas, et hausser la parole*.

Et pourquoi le poète ne peindrait-il pas ici Louis XIV, lui qui, dans la même tragédie, met dans la bouche d'Albin ce surpre- nant résumé des Maximes de la Rochefoucauld, alors toutes nouvelles :

L'amour-propre est la source en nous de tous les autres :

C'en est le sentiment qui forme tous les nôtres ;

Lui seul allume, éteint ou change nos désirs;

Les objets de nos vœux le sont de nos plaisirs.

Vous-même, qui brûlez d'une ardeur si fidèle,

Aimez-vous Domitie, ou vos plaisirs en elle?

Et quand vous aspirez à des liens si doux,

Est-co pour l'amour d'elle ou pour l'amour de vous'?

La Rochefoucauld, à qui Corneille devait bientôt lire sa Pidchérie, eût applaudi à de tels vers; mais Domitien, qui n'a pas lu les Maximes, est fort étonné de s'entendre dire par son confident: « Vous n'aimezque vous, quand vous croyez l'aimer. »

1. Tite et Bérénice, V, 1.

2. Tite et liérénice, II, 1.

3. Tite et Bérénice, I, 3.

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