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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/86

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fisante, et d’entendre Albin, le confident de Domitian, résumer, en quelques vers élégants et précis, les Maximes de la Rochefoucauld’. Là, sans doute, est l’excès ; mais cette préoccupation est moins dangereuse dans la comédie, dont la réalité forme le fond solide. Trop souvent, il faut en convenir, les personnages des comédies de Corneille se meuvent dans un milieu tout idéal et habitent de préférence les terres vagues de la fantaisie ; mais quand on a lu tant d’autres essais comiques, éclos vers la même époque, et dont les personnages insaisissables ne sont d’aucun temps ni d’aucun pays, on sait gré à Cnmeille d’avoir essayé, sans y réussir toujours, de préciser le temps et le lieu de la scène.

I

CORNEILLE ET LES REGLES. — L'ACTION

Ce sont précisément les unités de temps et de lieu qui inquiétèrent le plus la scrupuleuse candeur de Corneille. Au début, il pouvait plaider l’ignorance, et écrire, non sans quelque malice peut-être, mêlée à l’ingénuité : « Un voyage que je fis à Paris pour voir le succès de Mélile, m’apprit qu’elle n’était pas dans les vingt-quatre heures; c’était l’unique règle que l’on connût en ce temps-là… Cette piècf fut mou coup d’essai, et elle n’a garde d’être dans les règles, puisque je ne savais pas alors qu’il y en eût. Je n’avais pour guide qu’un peu de sens commun, avec les exemples de feu Hardy, dont la veine était plus féconde que polie, et de quelques modernes qui commençaient à se produire, et qui n’étaient pas plus réguliers que lui 2. » Dans ces premiers Examens, très postérieurs cependant à la représentation des pièces, on croit voir revivre l’ambitieuse indépendance de ce jeune homme, venu de Rouen par le coche pour conquérir Paris, et s’indignant qu’on essayât de l’emprisonner dans les étroites limites de dogmes littéraires dont la Normandie elle-même, cette patrie des poètes, n’avait pas entendu parler.

1. Tite et Bérénice, I, 3.

2. Examens de Clitandre et de Melite,