Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/87

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SUR LES COMÉDIES Lxxrii

II ne faut pas exagérer cette indépemiaoce : plus tard, Corneille s'accommodera fort bien des règles, et c'est les rèf<Ies lu main qu'il prétendra avoir raison; mais alors il les ignorait, et il pré- tend avoir raison contre elles. C'est vraiment une cause qu'il lui faut gagner à tout prix, car il y est à Ja fois avocat et partie. Il ergote; il est tour à tour souple avec quelque subtilité, fier avec quelque hauteur. Voici une préface bien superbe d'un bien étrange imbroglio : « Que si j'ai renfermé cette pièce dans la règle d'un jour, ce n'est pas que je me repente de n'y avoir point mis Mélite, ou que je me sois résolu à m'y attacher dorénavant. Aujourd'hui, quelques-uns adorent cette règle, beaucoup la méprisent; pour moi, j'ai voulu seulement montrer que, si je m'en éloigne, ce n'est pas faute de la connaître i. » En vérité, le Normand se montre ici trop à découvert. Ne se justifiait il point tout à l'heure de ne pas avoir appliqué les règles sur ce qu'il ne les connaissait pas? Pourquoi donc déclarer maintenant que, les connaissant, il n'avait pas voulu en tenir compte?

D'après ses propres aveux, il ne les a connues qu'entre Mélite et Clitandre; c'est donc de Mélite seule qu'il est ici question puisque dans Clitandre précisément il a essayé de se plier à ces règles traitées par lui de si haut. Clitandre est « dans les vin<^t- quatre heures » ; voilà qui va fort bien; il serait d'une curiosité indiscrète de se demander comment tant d'événements, et d'évé- nements si incroyables, tiennent dans un jour. On ne peut que féliciter les personnages de travailler si consciencieusement à l'heure et que les plaindre d'être condamnés au mouvement per- pétuel.

Mais c'était n'éviter un écueil que pour se heurter à l'écueil voisin. Les partisans de l'unité de temps étaient désarmés, et Corneille devait pousser la condescendance jusqu'à donner à tous les actos de la Suivante une longueur exactement égale, avouant d'ailleurs, avec franchise, que « c'est une affectation qui ne fait aucune beauté 2 ». Si l'unité de temps était respectée, que de- venait l'unité de lieu? On venait précisément de l'inventer. Nouvel embarras pour Corneille; nouvelle occasion de montrer qu'il était Normand et de tourner les règles en s'inclinant res- pectueusement devant elles. Rien de plus curieux, sous ce

1. Préface de Clitandre.

3. Eiàtrc en tète de la Suivant»

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