Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/96

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ETUDE

��Puisse le noir chagrin de ton humeur jalouse Me contraindre moi-même à déplorer ton sort, Te faire un long trépas, et cette jeune épouse User toute sa vie à souhaiter ta mort' !

��Étrange fin de comédie! Il est clair que Corneille, ici encore, n'a pas su prendre franchement un parti. Le caractère de la suivante n'est pas tracé d'une main plus ferme que celui du valet. Par un désintéressement relatif, Amarante rompt avec la tradition de la nourrice cupide :

Aux filles de ma sorte il suffit de la foi'.

Par sa coquetterie et son esprit, elle annouce la soubrette. Mais ses emportements, ses déclamations, ne sont, ni de la sou- brette comique, ni de la nourrice, plus bouffonne encore qu'odieuse. En un mot, Corneille a su rompre avec l'ancienne farce, mais il n'a pas su créer la comédie nouvelle.

Il est vrai que le vieux Géraste méritait peut-être la tragique apostrophe dWmarante déçue. Cet amoureux sénile, d'humeur plus paterne et moins avare que l'Harpagon de Jlolière, est aussi ridicule : il se laisse facilement duper par la suivante et railler par Célie, sa voisine et sa messagère, une Frosine plus bienveil- laute, à l'esprit moins incisif. Bien qu'il n'ignore pas l'utilité pratique des présents offerts à propos, il garde quelques illu- sions encore :

Dis bien que mes beaux jours ne sont pas si passés 3.

Mais le ridicule fait place à l'odieux, quand il sacrifie (du moins, il le croit) le bonheur de sa fille à l'intérêt de sa passion, quand, dans la même heure, il lui commande d'aimer deux, fiancés différents, quand, d'abord attendri par ses larmes, il impose sa volonté despotique •

��1. La Suivante, V, 9.

2. La Suivante, III, 4. 3 La Suivante. U. 1-

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