lâO riORACE
Mes filles ; mais en vain je voudrais vous celer
Ce qu'on ne vous saurait longtemps dissimuler ; 930
Vos frères sont aux mains; les dieux ainsi l'ordonnent.
SABINE.
Je veux bien l'avouer, ces nouvelles m'étonnent,
Et je m'imaginais dans la divinité
Beaucoup moins d'injustice et bien plus de bonté.
Ne nous consolez point : contre tant d'infortune 935
La pitié parle en vain, la raison importune.
Nous avons en nos mains la fin de nos douleurs,
Et qui veut bien mourir peut braver les malheurs,
Nous pourrions aisément faire en votre présence
De notre désespoir une fausse constance ; 940
Mais quand on peut sans honte être sans fermeté,
quel moment et quelle noble simplicité ! On pourrait objecter qu'Horace ne de Trait pas venir avertir des femmes que leurs époux et leurs frères sont aux mains, que c'est venir les désespérer inutilement et sans raison, qu'on les a même renfermées pour ne point entendre leurs cris, qu'il ne résulte rien de cette nouvelle; mais il en résulte du plaisir pour le spectateur qui, malgré cette critique, est très aise de voir le>ieil Horace. » (Voltaire.) « Il faut bien qu'elles soient averties de ce qui se passe, qu'on les prépare aux malheurs qu'elles ont à redouter. Loin de venir les désespérer inutilement, le vieil Horace, en leur avouant qu'il partage leurs douleurs et qu'il a besoin de tout son courage pour ne pas s'attendrir comme elles, est en effet le seul qui puisse adoucir ce que leur situation a de terrible. » (Palissot.)
931. Sont aux mains, absolument:
Sans doute î7s son; aux main»; il n'en faut pins parler. (Cîd, II, 4.) En général on dit: être aux mains, en venir aux mains avec quelqu'un: « Rome était aux mains avec les Samnites. » (Bossuet, Histoire.) Il est vrai qu'ici vos frères indique à la fois les lloraces, frères de Camille, et les Curiaces, frères de Sabine. On n'a donc besoin de rien ajouter au sens très clair: vos frères ont engagé le combat les uns contre les autres.
932. Sur étonner, voir la note du vers 671 ; ici, le sens de ce mot est moini fort et plus ironique.
935. Yar. — Ne nous consolez point; la raison importone
Quand elle ose combattre une telle infortune. (1641-1648.)
« Ne nous consolez point contre tant d'infortune, cela n'est pas français. » ^Voltaire.) Or, toutes les éditions donnent le vers ponctué comme il l'est dans la nôtre, et l'observation de Voltaire porte à faux. Nouvelle preuve de la légèreté avec laquelle le critique de Corneille écrivait ses Commentaires.
937. En nos mains, à notre disposition ; en latin, in manu, inpromptu ha- bere.
J'en ai le chois en mat'n avec le droit d'aînesse. (Rodogune, 495.)
038. Rotrou avait dit, avant Corneille, presque dans les mêmes termes;
Qni sait bien mourir sait vaincre toute cho.'îe. (Hercule mourant. II, 4.) Jamais q^ui peut inoarir no manque de remède. (Grisante, III. 4.) Celui qui pettt mourir peut vaincre tons malheurs. {Belle Alplircde, I. 4.)
Qui veut bien mourir, qui a la ferme volonté de mourir et non pas qui veu inoarir bien ; bien se rapporte à veut.
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