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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/195

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INTRODUCTION 11

pas la réciter, ni lire son écriture. Laissez-le s'élever par la composition ; il n'est pas au-dessous d'Auguste, de Pompée, de Nicomède, d'Héraclius; il est roi, et un grand roi; il est politique, il est philosophe ; il entreprend de faire parler des néros, de las faire agir; il peint les Romains : ils sont plus grands et plus Romains dans ses vers que dans leur histoire'. » Ainsi la gloire de Corneille n'offensait plus celle de Racine, et le public même les réunissait dans une admiration com- mune ; la supérieure de Saint-Cyr faisait d'abord apprendre à ses pensionnaires Cinna, en même temps quiphigénie et Androm\iqiie, avant hather et Athalie ^.

D'ailleurs, au plus fort des triomphes de Racine, quelques voix indépendantes avaient protesté en faveur du vieux Cor- neille. Soustrait par son exil à la tyrannie de la mode, et demeuré à Londres, le contemporain, pour ainsi dire, de«  héroïnes de la Fronde, Saint-Evremond défendait avec cha leur les femmes cornéliennes près d'Hortense Mancini, en qui semblait revivre la tradition des brillantes aventurières d'autrefois, mais qui, moins farouche qu'Emilie, avait peine à la comprendre. C'est toujours une bonne fortune de pou- voir citer une page de Saint-Evremond; ne nous refusons pas ce plaisir :

▲ MADAME LA DUCHESSE DE MAZARIN

« Suspendez votre jugement, Madame : Emilie n'est pas fort coupable d'avoir exposé Cinna aux dangers d'une con- spiration. Ne la condamnez pas, de peur de vous condamner vous-même : c'est par vos propres sentiments que je veux dé- fendre les siens; c'est par Hortense que je prétends justifier Emilie. Emilie avait vu la proscription de sa famille; elle avait vu massacrer son père, et, ce qui était plus insupporta- ble à une Romaine, elle voyait la République assujettie par Auguste. Le désir de la vengeance et le dessein de rétablir la liberté lui firent chercher des amis à qui les mêmes outrages pussent inspirer les mêmes sentiments, et que les mêmes sen- timents pussent unir pour perdre un usurpateur. Cinna, ne- veu de Pompée, et le seul reste de cette grande maison, qui avait péri pour la république, joignit ses ressentiments à ceux d'Emilie, et tous deux venant à s'animer par le souvenir des injures autant que par l'intérêt du public, formèrent ensem- ble le dessein hardi de cette illustre et célèbre conspiration.

1. Lu BTUjèTe, Des Jugements, 56.

t Le théâtre de Saxnt-Cyr, par Taphanel.

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