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INTRODUCTION 13

Nous ne savons si « Hoiiense » fut convaincue, ni si elle se montra disposée à accepter le bras défaillant que lui offrait ce « vieux Cinna », républicain platonique. Ce qui est certain, c'est qu'au xvii siècle tout le monde parla ainsi. On ne cite à cette époque qu'une seule parodie de Cinna, encore bien anodine : c'est la satire assez insignifiante que l'abbé de Pure dirigea contre Giiles Boileau et qu'il intitula : Boileau ou la clémence de M. Colbcrt; on n'y saurait voir un manque de respect pour Corneille. II y a bien quelques parodies de détail, mais également inoffensives : ainsi, dans les Chinois, de Regnard et Dufreny (1692), Arlequin dit à Mezzetin, qui représente le parterre : « Prends un siège. Parterre, » etc. ; et Mezzetin lui répond : « Tu te moques, le parterre ne s'assied point. »

L'opinion générale et désintéressée des contemporains s'étair traduite, dès 1652, dans les vers latins où Ménage, homme de savoir et de goût, moins pédant qu'on ne le croit d'ordi- naire, déplorait la mort de Corneille , faussement annoncée au lendemain même de son mariage :

Vos quoque, tergemini, mavortia pectora, fratres, Et te, Cinna ferox, fama loquetur anus*.

Le xvni^ siècle n'est pas le siècle du respect ; Cinna le tra- Tersa pourtant sans rien perdre de sa gloire ; car on ne sau- rait prendre au sérieux une fantaisiste parodie de la délibé- ration du second acte, dirigée en 17S9 contre le duc d'Au- mont, et qui valut la Bastille à Marmontel. Même il semble que le renom de Corneille s'étend de pins en plus à l'étran- ger : au xvn siècle, une seule traduction de Cinna avait paru et c'était en Allemagne; au xyiii", on compte une traduction allemande, deux anglaises, deux espagnoles, une russe ! Il est vrai que, vers la fin de ce siècle, lady Montagne en An- gleterre, Lessing en Allemagne critiquent, parfois avec injus- tice, la tragédie de Corneille 2; mais l'une venge Shakespeare, outragé par Voltaire ; l'autre a entrepris de soustraire son pays à l'influence française, et dénigre surtout ce oui a le plus droit d'être admiré : « Que de détours, que d'artifices, pour rabaisser même ce qu'il est forcé de louerai » Bien des

1. Pétri Comelii Epicedium {Miscellanea, p. 17-20). Ménage fait précéder ■es vers de cette note explicative : « Hos versus scripsi, quum falso nobis nuo- tiatum fiiisset Cornelium, quo die uxorera duxerat, diem suum ex peripoen- monia obiissc; nam vivit Cornélius et precor vivat. »

2. En revanche, Métastase publia en 1740 sa Clemenxa di Tito, imitatiom évi dente de Cinna.

3. Crousié, Lessing et le goût français.

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