Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/21

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Introduction i

trois Vaînciis. Sa sœur, jeune fille, fiancée à l'un des Curiaces, était venue à sa rencontre près de la porte Capène. En recon- naissant sur les épaules de son frère la cotte d'armes qu'elle avait lissue de ses mains pour son fiancé, elle s'arrache les che- veux et, avec des cris lamentable?, appelle son Curiace qui n'est plus. Le farouche orgueil du jeune homme s'irrite de ces plaintes qui troublent sa victoire et la joie si vive de tout un peuple; il tire son épée et perce la jeune fille, en lui disant dans sa colère : « Va, avec ton amour sacrilège, va retrouver « ton fiancé, toi qui oublies tes frères morts, ton frère « vivant, ta patrie. Ainsi périsse toute femme qui pleurera « un ennemi de Rome! » Cette conduite parut bien cruelle au sénat et au peuple; mais le service récent d'Horace atténuait l'effet de son crime. On le mène cependant au tribunal du roi. Tullus, pour s'épargner l'odieux d'une sentence si terrible, qui devait mécontenter la multitude, et du supplice qui devait suivre, convoque le peuple : « Je nomme des duumvirs, dit-il, « pour juger le crime d'Horace, selon la loi. » Les disposi- tions de cette loi étaient effrayantes : « Que les duumvirs pro- « noncent sur le crime; si l'accusé en appelle, qu'il soit pro- « nonce sur cet appel. Si l'arrêt est confirmé, qu'on voile la « tête du condamné, qu'on le suspende à l'arbre fatal ', qu'on « le batte de verges 2, soit dans l'enceinte, soit hors defenceinte « de la ville. » Les duumvirs, d'après cette loi, n'auraient pas cru pouvoir absoudre même un meurtre involontaire; ils con- damnèrent Horace. « Horace, dit l'un d'eux, je le déclare cou- « pable; licteur, attache-lui les mains. » Le licteur s'était approché, et déjà il passait la corde : « J'en appelle, » s'écrie Horace, sur le conseil de Tullus, qui voulait le voir user du bénéfice de la loi. L'appel est donc porté devant le peuple. Tous les cœurs étaient émus, surtout lorsqu'on entendit le père d'Horace s'écrier qu'à ses yeux sa fille avait subi un juste châtiment. Innocente, il l'eût vengée lui-même; armé de ses droits de père, il eût sévi contre son fils. Puis, il conjurait It? peuple, qui l'avait vu naguère entouré d'une si belle famille, de ne pas le priver de son dernier fnfant. Et alors le vieillard, d'une main tenant son fils sur sa poitrine, de l'autre montrant les dépouilles des Curiaces attacln-es à l'endroit nommé au- jourd'hui Pilier des Horaces' : « (J'ioi! s'écria-t-il, un guerrier

1. Une potenre ou une crois, ou plutôt enore une fourche.

î. Dans les premiers temps, on frappail le condamné jusqu'à ce que la mort g en suivît; plus tard, on le tuait d'un cou[> de hache avant qu'il ne mourût sous les verges ; enfin la loi Sempronia, portée pur Tib. Gracchus, défendit de frapper un citoyen romain.

3. Petite colonne angulaire, surmontée des armes des Curiaces, et située daa

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