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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/228

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i4 CINNA

Sénèqiie a voulu voir. De là une certaine confusion dans les jugements des hisloricns qui ont suivi : Suétone et Tacite' rapportent indifféremment le bien et le mal qu'on a dit dq l'empereur et de l'empire, bien que Suétone incline versl'inf dulgence et Tacite vers la sévérité. Le triumvirat n'est pai assez loin pour qu'on ait tout oublié; mais il l'est assez pour que l'œuvre de transfiguration et d'apothéose soit en voie de s'accomplir. Au reste, les circonstances s'y prêtaient à mer- veille; car les meilleurs avocats d'Auguste près de la postérité, ce furent ses successeurs. Ils trouvèrent moyen de le faire re- gretter, et la comparaison suffit à le grandir.

Il serait facile de suivre à travers l'histoire le courant d'opi- nion favorable à Auguste. M. Horion a montré que, si les chrétiens honoraient la mémoire du prince sous qui est né Jésus-Christ, les lettrés de la Renaissance, à commencer par Montaigne, saluaient en lui le représentant de la civilisation romaine. Aux yeux de Charlemagne, qui s'efforçait de l'imi- ter, il éteit le type même du souverain ; aux yeux des contem- porains de Corneille, il était le symbole de la monarchie absolue. Veut-on une preuve décisive de cette dernière trans- formation? Balzac nous la pourrait fournir'; mais nous ai- nr.ons mieux la demander encore à Saint-Evremond, qu'on trouve si souvent sur son chemin quand on étudie Corneille. La page que nous allons citer, postérieure à Cinna ^, en est le meilleur commentaire ; car Samt-Evremond, ainsi que Cor- neille, veut oublier des « commencements funestes » pour n'en considérer que la suite glorieuse.

(' Après la tyrannie du triumvirat et la désolation qu'avait apportée la guerre civile, Auguste voulutenfm gouverner par la raison un peuple assujetti par la force, et, dégoûté d'une violence ofi l'avait peut-être obligé la nécessité de ses affaires, il sut établir une heureuse sujétion, plus éloignée de la servitude que de l'ancienne liberté. Il n'était pas de ceux qui trouvent la beauté du commandement dans la rigueur de l'obéissance, qui n'ont de plaisir du service qu'on leur rend que par la nécessité qu'ils en imposent.... Il a cru que, pour bien disposer des hommes, il fallait gagner les esprits avant que d'exiger les devoirs, et il fut si heureux à les persuader de l'utilité de ses ordres qu'ils songeaient moins à l'obligation qu'ils avaient de les suivre qu'à l'avantage que l'on y trouvait Un gouvernement si

i. 11 dit qu'Auguste fut « naturellement bon et vertueux ». 2. Réflexions sur les divers génies du peuple roynain (1663), ch. %\i : /)'Au- euste, de son gouvernement et de son génie

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