INTRODUCTION 7
nèrent la guerre*. « Que Tite-Live, historien romain, ait rais tous les torts du côté d'Âlbe, on ne saurait s'en étonner; au fond, il sent bien que Metius a raison d'écarter les vains pré- textes et de voir dans une ambition rivale la vraie cause d'une hostilité à laquelle la ruine de l'une ou l'autie ville pouvait seule mettre fin : car, ainsi que l'observe Geoffroy-, les haines de famille sont les plus fortes. Si l'on oubliait cette communauté d'origine, ces liens de tout genre qui unissaient deux peuples voisins et parents, on comprendrait mal une tragédie dont le principal intérêt vient précisément de là. Horace et Curiace ne personnifient-ils pas Rome et Albe? et si Horace semble avoir tout oublié pour ne plus voir que Rome, Curiace ne se souvient-il pas de « cette douce religion de la communauté des villes latines^? » Avant lui, le dictateur d'Albe n'a-t-il pas parlé « au nom de la fraternité des peuples latins, confédérés sur le mont Albain*? » :
Nous ne sommes qu'un sang et qu'un peuple en deux villes; Pourquoi nous déchirer par des guerres civiles s ?
Il faut bien que Rome domine tout pour effacer d'aussi longs," d'aussi chers souvenirs. Chose curieuse! Corneille a voulu que nous admirions les lloraces, parce que, dévoués absolument à la petite patrie, ils méconnaissaient la grande; et nous les admi- rons en effet. Mais, au fond de notre cœur, quelque chose pro-- teste, et nous nous retournons parfois, avec un attendrissement involontaire, vers ces Albains si doucement résignés, si humains, si fraternels, pour qui le patriotisme ne se confond- pas avec la haine aveugle des autres nations.
On ne s'est pas contenté d'affirmer que le combat^ des Horaces et des Curiaces symbolise la lutte implacable d'Albe et de Rome; on a été jusqu'à le réduire à l'état de pure allé- gorie, dénuée de toute réalité hisloriijue, même de toute vrai- semblance. Aussi sceptique, mais plus systématique que les Français Levesque et de Bcaufort, l'historien allemand Niebuhr, • dès lé début du xix siècle, retrouvait dans ces légendes histo- riques de l'ancienne Rome la trace visible de chants nationaux disparus. Les belles pages de Tite-Live ne seraient donc que le lointain ressouvenir d'une cantilène épique, mal à propos déguisée en récit authentique et précis. Notre Michelet, son discipN sur ce point, érigeait en dogme cette hypothèse; il
i. M. Juruy, Histoire romaine, tome I.
2. Cours de litCéiature dramatique.
3. M. Desj;u-clin<!, te grand Corneille historien- ♦. Ibidem.
5. Horace, (, 4. '
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