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admirait, avec un enthousiasme rétrospectif, ce « chant tout barbare « et remarquait même qu'ici « la rudesse du génie national a repoussé les emliellissements des Grecs ». Il ajou tait, s'avançant d'un pas bien hardi sur ce terrain peu sûr : « Sauf la diversité des embellissements poétiques, le combat des Horaces et des Curiaces répond à celui de Romulus et Rémus. De même que Romulus et Ré mus sont deux formes du même mot, Horace doit être une forme de Curiace. Ainsi chez nous, Clodion, Hlodion, suivant la véritable ortho- graphe; Clotaire, Hlotaire; Clovis, Hlodowig; Childéric, Hildéric; Hildebert, Childebert; Chilpéric, Hilpéric, etc. Ciirialius {à curid) veut dire noble, patricien {janus curiatus). Ce combat n'est autre que celui des patriciens des deux pays. L'hymen et la guerre se mêlent, comme dans l'histoire des Sabines. Ici, l'héroïne est une Romaine; elle intervient aussi, mais trop tard, pour séparer les combattants. La guerre finit, comme le combat de Romulus et Rémus, par un parri- cide : Horace tue sa sœur; Rome tue Albe, sa sœur et sa mère, ce qui est peut-être la même chose, individualisée par la poésie, un nom de femme pour un nom de eilé'. »

Avouons que Tite-Live semble donner raison d'avance à Niebuhr et à Michelet, lui qui, dès le début, confesse l'incer- titude de cette histoire, lui qui ne sait même pas si les Horaces étaient les champions de Rome ou d'Albe. L'histoire enseigne pourtant que le combat dont Corneille a tiré un si merveilleux parti se livra l'an 83 de Rome, 670 ans avant Jésus-Christ, sur la voie Appienne, dans un pré situé à mi- chemin d'Albe, à cinq milles de Rome. Ce qui est le plus pro- bant, c'est que le peuple avait gardé, longtemps après, la mémoire de cet événement décisif; c'est qu'il montrait, ici, près de la porte Capône, deux grands tombeaux de forme pyramidale, dans le goût étrusque, les tombeaux des deux Horaces; là, le Poteau de la sœur, tigilliim sororis, auquel Horace devait être attaché et sous lequel il passa, comme sous un joug; souvent refait, mais toujours conservé religieu- sement, ce poteau existait encore au quatrième siècle de notre ère^ C'est qu'enfin, pour arracher à l'arbre de malheur le glorieux assassin, sa famille dut s'imposer des sacrifices, expiatoires, sacriflcia piaciilaria gentis Horatiae, dernier, mais irrécusable témoignage d'un grand crime pardonné en consi- dération d'un grand exploit.

En tout cas, Corneille n'a jama's mis en doute la réalité

1. Michelet, Histoire romaine.

X. Nous «mjpruntons ces df^Uils à ISisloire romaine de M. Duruj.

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