Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/25

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de la tradition : « Il m'était, écrit-il, beaucoup moins permis dans Horace et dans Pompée, dont les histoires ne sont ip:no- rées de personne, que dans Rodogimc ou dans Nicomède, dont

f)eu de gens savaient les noms avant que je les eusse mis sur e théâtre'. » Aussi respecta-t-il le récit de Tite-Live dans ses traits généraux. Il est vrai qu'au cinquième acte, trop docile esclave de l'unité de lieu, il a dû laisser dans le lomtain le peuple, ce personnage collectif et gênant, dont l'intervention pourtant, selon la remarque de Schlegel, eût été si pathétique, pour faire juger le jeune Horace, dans la maison de son père, par le roi seul, à peine entouré de quelques comparses. Mais cette légère inexactitude historique n'a guère plus d'importance que l'anachronisme du vieil Horace s'agenouillant, au même acte, devant le roi. Qu'importent ces disparates à peine per- ceptibles dans un tableau dont l'ensemble est si antique par l'esprit, si « historiquement vrai^w'POui, Corneillle semble s'être assimilé l'esprit de Tite-Live, non pas seulement dans ce cinquième acte, qu'on a jugé parfois plus historique que dramatique, mais dans le corps entier d'une tragédie domi- née par une double majesté, celle de la puissance divine, celle de l'autorité paternelle.

Comment donc un critique, d'ordinaire plus avisé, Gustave Planche, a-t-il pu écrire : « Si l'on compare les pages de Tite-Live à la tragédie d'Horace, l'infidélité est flagrante; le poète a négligé tout le côté rehgieux du sujet qu'il avait choisi »? Serait-ce parce que les féciaux n'interviennent pas dans la conclusion du >"aité ? Mais leur intervention était inutile au drame, oîi jouent au contraire un grand rôle les oracles et ces livres sibyUins qui, promettant aux Romains l'empire du monde, exaltaient encore leur crédule orgueil et leur dédain de l'étranger. Comme ils se sentent le peuple favori des dieux, comme la religion du foyer, s'élargissant peu à peu, leur avait enseigné la religion de la patrie, ils avaient pour les dieux un culte filial et de tous les instants, qui se confondait avec le patriotisme^. Les femmes ne sont pas seules à invoquer ou à remercier les dieux, dans leurs mquiétudes ou dans leurs joies*. Ne semble-t-il pas que le vieil Horace vive dans une sorte de communion intime avec les dieux, et que ces dieux, toujours présents, lui communi- quent, tantôt la sérénité de sa résignation, presque fataliste,

1. Discours de la tragédie. >

2. M. Desjardins, le f/rand Corneille historien.

3. « 11 y avait ceci do particulier chez les Romains, qu'ils mêlaient quelqut Mntimeiit religieux à l'amour qu'ils avaient pour leur patrie. » (Montesquieu.)

4. Voyez I, 3; V, 3, etc.

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