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ACTE 1, SCÈNE II Ti

Abondante en richesse, ou puissante en crédit,

Je demeure toujours la fille d'un proscrit.

Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses;

D'une main odieuse ils tiennent lieu d'oifenses :

Plus nous en prodiçruons à qui nous peut haïr. 73

Plus d'armes nous donnons à qui nous veut trahir.

Il m'en fait chaque jour, sans chau.çer mon courage

Je suis ce que j'étais, et je puis davantage,

Et, des mêmes présents qu'il verse dans mes mains,

J'achète contre lui les esprits des Romains. 80

Je recevrais de lui la place de Livie

Comme un moyen plus sûr d'attenter à sa vie.

Pour qui venge son père il n'est point de forfaits,

Et c'est vendre son sang que se rendre aux bienfaits.

FULVIE.

Quel besoin toutefois de passer pour ingrate? 85

Ne pouvez-vous haïr sans que la haine éclate?

Assez d'autres sans vous n'ont pas mis en oubli

Par quelles cruautés son trône est établi;

Tant de braves Romains, tant d'illustres victimes,

Qu'à son ambition ont immolés ses crimes, 90

Laissent à leurs enfants d'assez vives douleurs

Pour venger votre perte en vengeant leurs malheurs.

Beaucoup l'ont entrepris, mille autres vont les suivre :

Qui vit haï de tous ne saurait longtemps vivre ;

71. Corneille dit ailleurs : « aboodÈr en raisons. » (Suréna, 686.) Avant lui, Garnier avait écrit, usant de ce latinisme commode :

Abondante en enfants, abondante en honneur. {Juives, II, 4B9. 74. M. Geruzez rapproche de ce vers celui de Racine :

Un bienfait reproché tient tonjours lien d'offense. (Iphigénie , IV, Tl.) 77. Courage, cœur, comme au v. 206. — Sans changer mon coitrare \ànl donc dire : sans changer les sentircents de mon cœur; ce tour est fdmilier aai tragiques, <t en général aui poètes des xvi* et ivn' siècles : Mais quoi! le naturel des femmes est vola?e.

Et à chaqne moment se change lear courage ! ;OiirDier ô'.kt*^ > im. . Von» ponyez espérer qu'il change de courage' '.{'myeutt»: d»?.' Au moins que les trivaui. Les dangers, les soins du voyage Changent un peu votre courage; (I.a viiitaf.'e , iX. S.) Faire det bienfaits est une expression rare et failo-,, jastëmerit critiquée par Voltaire.

82. Ce sentiment furieux est, à mon gré, une raison pour ne pas supprimw k monologue qui prépare cette férocité. » (Voltaire.)

83. Rapprochez, pour le tour et la pensée, le vers connu du Cid :

A qui venge son père, il n'est rien d'impossible. (H, u.) •0. « Ambition ont est bien dur à l'oreille. » (Voltaire.) i^ « Necesse est mnltos timeat, quem mnlti timent. * (Laberiu.) • Qui ttf^ it, pins ùBse timet. » (Clandien).

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