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ACTE I, SCÈNE HI 81

Qu'ils soient prêts à tenir ce qu'ils vous ont promis?

CINNA.

Jamais contre un tyran entreprise conçue 145

Ne permit d'espérer une si belle issue ;

Jamais de telle ardeur on n'en jura la mort,

Et jamais conjurés ne furent mieux d'accord.

Tous s'y montrent portés avec tant d'allégresse

Qu'ils semblent, comme moi, servir une maîtresse, 150

Et tous font éclater un si puissant courroux

Qu'ils semblent tous venger un père, comme vous.

EMILIE.

Je l'avais bien prévu, que pour un tel ouvrage

Cinna saurait choisir des bommes de courage,

Et ne remettrait pas en de mauvaises mains J55

L'intérêt d'i4]milie et celui des Romains.

CINNA.

Plût aux dieux que vous-même eussiez vu de quel zèle

Celte troupe entreprend une action si belle!

Au seul nom de César, d'Auguste, et d'empereur.

Vous eussiez vu leurs yeux s'enflammer de fureur, i60

Et, dans un même instant, par un elFet contraire,

147. Var. Jamais de telle ardeur on ne jura sa mort. (1C43-B6.)

En se disait aussi et se dit encore des personnes : u Comment peut-on aimer Dieu, quand on n'en entend jamais parler? » (Madame de Sévigné.) — De a ici le sens de par ou d'avec: c'est un latinisme fréquent, surtout chez Molière.

140. Allégresse, c'est ïalacrîtas des Latins, la joie et l'ardeur vive que com- munique l'action. Montaigne prend alaiqresse dans le sens de santé et d'agilité au propre, de mouvement rapide au moral : « Où mon âme marche d'une grande alaigresse, j'oublie les pas de la conlenance. »

150. Voilà par où Cinna est inférieur à Emilie : Il hait Auguste parce qu'Emi- lie le hait.

153. Je l'avais bien prévu, que, tournure infiniment plus vive et plus légère que la tournure habituelle : J'avais bien prévu que... On en trouve d'innombra- bles exemples chez les auteurs et chez les poètes :

Rodrigae. qni l'eut cru? — Chimène, qni l'eût dit? — Que notre heur fut si proche et .^itôL se perdit? (Cid.IlI, *.) Qui l'eilt dit, qu'un rivage âmes yeux si funeste Présenterait d'abord Pylade aux yeu-x d Or esle7 {Andromagtie, 1, 1.) 157. « Une des raisons qui donnent tant d'illustres suffrages à Cinna, pour le mettre au-dessus de ce que j'ai fait, c'est qu'il n'y a aucune narration du passé, celle qu'il fait de sa conspiration à Emilie étant plutôt un ornement qui chatouille l'esprit des spectateurs qu'une instruction nécessaire de particularités qu'ils doi- vent savoir et imprimer dans leur mémoire pour l'irtelligence de la suite. Emi- lie leur fait assez connaitre dans les deux premières scènes qu'il conspire contre Auguste en sa faveur, et quand Cinna lui dirait tout simplement que les conjurés sont prêts au lendemain, il avancerait autant pour 1 action que par les cent vers qu'il emploie à lui rendre compte de ce qu'il leur a dit et de la manière dont ils l'ont reçu. » [Discours des trois unités.)

159. 'Voyez la note du v. 12. Ici encore, Corrieille est plus Français que Romain, et donne à ce mot tout républicain d'im^eraior, choisi à dessein par Auguste, un aeos moderne qu'il n'a'Xitpas

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