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ACTE II, SCENE I 9»

N'en craignez point, Seigneur, les tristes destinées;

Un plus puissant démon veille sur vos années :

On a dix fois sur vous attenté sans effet, 43."

Et qui l'a vouiu perdre au même instant l'a fait.

On entreprend assez, mais aucun n'exécute:

Il est des assassins, mais il n'est plus de Brute ;

Enfin, s'il faut attendre un semblable revers,

Il est beau de mourir maître de l'univers. 440

C'est ce qu'en peu de mots j'ose dire, et j'estime

Que ce peu que j'ai dit est l'avis de Maxime.

MAXIME.

Oui, j'accorde qu'Auguste a droit de conserver

L'empire où sa vertu l'a fait seule arriver.

Et qu'au prix de son sang, au péril de sa tête, 44?

Il a fait de l'Etat une juste conquête ;

Mais que, sans se noircir, il ne puisse quitter

Le fardeau que sa main est lasse de porter,

Qu'il accuse par là César de tyrannie,

433. Var. Mais sa mort tous fait penr? Seigneur, les destinée»

D'an soin bien plus exact veillent sar vos années. (164S-E6.)

434. Ce démon, qu'est-ce autre rhose que le génie des anciens, l'esprit, bon ou mauvais, qui préside à la destinée de chaque individu, ou même d'un Etat : « le démon de l'empire » {Pulcherie, 1002) ; dans Poynpée (1483), l'on parle d'un ■ bon démon », comme dans Héracliui (V, ii) et dans les tragiques contemporains :

ciel! quoi bon démon devers moi tous envoie?

Quel démoD furieux préside en cette cour?(Botron. Fe»reiir nau^rai/e, V, ii). Ah! quel heureux démon t'inspire ce conseil? (Id., Ménechmes, lY, vi.)

Le même Rotrou, dans une ode au cardinal de Richelieu, l'appelle « grand dé- mon de la France •>.

435. C'est attenter sur vons qu'ordonner de sa vie. (Nicomède, 160*.)

436. « On ne sait point à quoi se rapporte le perdre ; on pourrait entendre par ce vers: ceux qui ont attent • sur vous se sont perdus.» (Voltaire.) — « Le perdre ie rapporte évidemment et nécessairement à César. On a tenté inutilement dix conspirations contre Auguste, et il n'en a fallu qu'une pour perdre César. Par qiielle étrange inattention, ce sens, si naturel, peut-il être échappé à Voltaire? » (Palissot).

437. Remarquez les verbes entreprendre et surtout exécuter employés absolu- ment. Entreprendre, sans régime, dans le sens de former une entreprise, se retrouve au v. 1505.

438. Cf. les V. 265 et 394 Ici, le nom latin francisé prête à rire aux mauvais nlaisants.

441. Le vers précédent s'adresse à Auguste, les deux derniers à Maxime. En faisant appel à la grandeur d'âme de l'empereur, Cinna sait qu'il le touchera sûrement; mais il ne sait si sa tactique, plus habile qu'honnête, est approuvée de Maxime, et ses derniers mots sont comme une prière, assez impérieuse, de ne pas le contredire Au re?te, Maxime, lui-même, dominé par la situation, pourra con- clure autrement, mais ne parlera pas sur un autre ton. L'exorde de son discour» ast une concession forcée, arrachée au républicain, qui se voit contraint de plai> dtr la cause de' la république au nom des intérêts de l'empereur.

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