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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/289

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ACTE II, SCÈNE I 108

Son épargne s'enfler du sac de leurs provinces.

Que lui pouvaient déplus donner les meilleurs princes?

J ose dire, Seigneur, que par tous les climats 5'î5

Ne sont pas bien reçus toutes sortes d'Etats : Chaque peuple a le sien, conforme à sa nature, Qu'on ne saurait changer sans lui faire une injure : Telle est la loi du ciel, dont la sage équité Sème dans l'univers cette diversité. 540

Les Macédoniens aiment le monarchique, Et le reste des Grecs la liberté publique ; Les Parthes, les Persans veulent des souverains, Et le seul consulat est bon pour les Romains.

CINNA.

Il est vrai que du ciel la prudence infinie S45

Départ à chaque peuple un difierent génie;

Mais il n'est pas moins vrai que cet ordre des deux

Change selon les temps comme selon les lieux.

Rome a reçu des rois ses murs et sa naissance;

Elle tient des consuls sa gloire et sa puissance, 5S0

Et reçoit maintenant de vos rares bontés

Le comble souverain de ses prospérités.

Sous vous, l'Etat n'est plus en pillage aux armées;

Les portes de Janus par vos mains sont fermées,

Ce que sous ses consuls on n'a vu qu'une fois, 555

533. C'est-à-dire : son trésor se grossir du pillage de leurs Etats ; sur ce sens du mot province, voyez In note du v. 1253. — Les v. 533 et 534 résument tout le paragraphe vi du LIl" livre de Dion Cassius.

535. Voilà une idée profonde et neuve au temps où Corneille écrit; plus tard, Montesquieu en fera le fondement dn!i vre XIV do son Esprit des Lois, intitulé : Des lois, dans le rapport quelles ontavec' a nature du climat. Voici le principe général que Montesquieu pose en tète de".!) vre si curieux : « S'il est yrai que le caractère de l'esprit et les passions du cœur soient extrêmement différents dans les divers climats, les lois doivent être relatives et à la différence de ces passions et à la différence de ces caractères. » Voltaire conteste cette influence prépondérante du climat, qui ne saurait, il est vrai, être transformée en loi abso- lue ; mais, dans les vers cie Corneille, climat signifie contrée en général, comme en beaucoup d'autres passages. Ainsi restreinte, la pensée de Maxime est inatta- quable: car, s'il est une vérité démontrée aujourd'hui par l'expérience, c'est que les formes de gouvernement peuvent et doivent changer avec les pays.

541. Le monarchique, pour l'Etat monarchique. Mais le substantif, placé cinq vers plus haut, est presque oublié. Nous ne croyons pas, avec certains commen- tateurs, que monarchique soit pris ici substantivement, bien que l'édition de 1655 donne u ta monarchique ».

M5. Var. s'il est vrai que da ciel la prudence inSnie i

Départ à cliaque çeuple nn différent génie. Il est certain aussi que cet ordre des cieox (1643-66.)

546. Départir, accorder, avec l'idée de distribution et de partage ; Corneille a •ouvent employé ce verbe, même à des personnes peu usitées aujourd'hui : C'est toi qui dépars lei couronnes. (l'oison, 2180.}

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