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130 CINNA

Avec les premiers vœux de mon obéissance 96b

Souffrez ce faible effort de ma reconnaissance,

Que je tâcbe de vaincre un indigne courroux,

Et vous donner pour lui l'amour qu'il a pour vous

Une âme généreuse, et que la vertu guide,

Fuit la honte des noms d'ingrate et de perfide; 970

Elle en hait l'infamie attachée au bonheur.

Et n'accepte aucun bien aux dépens de l'honneur.

jEMlLIE.

Je fais gloire, pour moi, de cette ignominie :

La perfidie est noble envers la tyrannie,

Et, quand on rompt le cours d'un sort si malheureux, 975

Les cœurs les plus ingrats sont les plus généreux.

CINNA.

Vous faites des vertus au gré de votre haine

EMILIE.

Je me fais des vertus dignes d'une Romaine.

CINNA.

Un cœur vraiment romain...

EMILIE.

Ose tout pour ravir Une odieuse vie à qui le fait servir; 980

Il fuit plus que la mort la honte d'être esclave.

CINNA.

C'est l'être avec honneur que de l'être d'Octave, Et nous voyons souvent des rois à nos genoux

qu'il a satisfait à l'amour, parce qu'il veut que le sort d'Auguste dépende de sa maîtresse. Toute cette tirade parait un peu obscure. » (Voltaire.)

968. La construction régulière exigerait aujourd'hui : et de votts donner.

971. Cinna continue à raisonner, et ces raisonnements sont froids, en face d& la passion dont Emilie est embrasée. Ce vers en particulier manque de net- teté. Cinna veut dire : une âme généreuse fuit l'infamie de l'ingratitude insépa- rable même des succès que l'ingratitude conquiert.

975. Var. Et quand il fant répandre un sang si malheareoz. (1643-56.)

Sur rompre, voyez les v. 559, 731 et 1580.

978. Ce vers est bciu, et ces sentiments d'Emilie ne se démentent jamais. >' (Voltaire.) — n La b line d'Euiilie est en elfot pour elle une vertu, non un senti- ment: elle a pensé qu'elle devait haïr Auguste, et elle dit pourquoi elle le h,ut plutôt qu'elle n'exprime comment. » ( Guizot , Corneille et son temps.)

980. Var. Elle sang et la vie à qui le fait servir. (1643-66.)

Servir a ici toute la force de servire, être esclave.

982. Nous savons l)ien que Cinna plaide et qu'il lui est permis de se contre- dire ; mais la contridiction est vraiment trop flagrante entre ces vers et le fier discours du premier acte, où Cinna, sans prévoir que d'avance il se ton» damnait lui-même, flétrit ces hommes qui, dans le peuple et dans l'armée, Mettent toute leur gloire à deveoir esclave*.

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