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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/316

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132 CINNA

Souviens-toi de ton nom, soutiens sa dignité, Et, prenant d'un Romain la générosité, lOOfl

Sache qu'il n'en est point que le ciel n'ait fait naître Pour commander aux rois, et pour vivre sans maître.

CINNA.

Le ciel a trop fait voir en de tels attentats

Qu'il hait les assassins et punit les ingrats,

Et, quoi qu'on entreprenne, et quoi qu'on exécute, 1005

Quand il élève un trône, il en venge la chute;

Il se met du parti de ceux qu'il fait régner;

Le coup dont on les tue est longtemps à saigner,

Et, quand à les punir il a pu se résoudre,

De pareils châtiments n'appartiennent qu'au foudre. 1010

EMILIE.

Dis que de leur parti toi-même tu te rends,

s'agit ici. Emilie prend pour exemple des rois avilis et abaissés devant Rome : Attale 111 Philométor, roi de Pergame, qui légua aux Romains toutes ses im- menses richesses. C'est à Prusias ou'Appien et Diodore de Sicile attribuent le trait de basse flatterie qu'Emilie flétrit en Attale; c'est Prusias qui se présen- tait aux généraux romains dépouillé de tout insigne royal, vêtu de la toge, chaussé à l'italienne, la têle rasée, portant le pileus, bonnet blanc que portaient les esclaves affranchis. C'est lui qui aurait dit, en abordant les ambassadeurs : Je suis l'alTranchi des Romains. Au reste, ces rois vassaux de Rome se ressem- blaient et l'exemple donné par l'un a pu et dû être suivi par les autre*.

1002. Corneille a répété ces vers dans Nicomède (I, m) et les y a mi», avec moins d'à propos, dans la bouche d' Attale — « La beauté de ces vers et ces traits tirés de l'histoire romaine font un 1res grand plaisir au lecteur, quoiqu'au théâtre ils refroidissent un peu la scène. » (Voltaire.) Il ne nous parait pas que la scène en soit refroidie. Aux molles bésilations de Cinna s'y oppose l'énergie soutenue d'Emilie. Comme seule elle agit par principe, comme seule elle sait ce qu'elle veut et le veut sans défaillance, ses raisonnements nous émeuvent plus que ceux de Cinna; car ils sont dans la logique de son caractère, et une con- viction sincère les enflamme.

1008. Cette métaphore de la blessure longtemps saignante a été bien des fois reprise par les poètes :

mon Dieu, cette plaie a si longtemps saigné! (V.Hugo, Contemplations.)

1010. Foudre n'est plus masculin qu'au figuré, dans la locution un foudre de guerre. « Ce mot, dit vaugelas, est l'un de ces noms substantifs que l'on fait masculins ou féminins, comme on veut. On dit donc également bien le foudre et la foudre, quoique la langue française ait une particulière inclination au genre féminin. » (Remarques, p. 209.) Corneille et les tragiques contemporaine semblent avoir eu une inclination contraire :

Voyant ce fouJro prêt îi suivre ma colère. {Rodogune, II, n.) Est-il une coustanee à l'épreuve da foudre Dont ce cruel arrêt met notre espoir en poudre? {Cid, II, ir.) Le fondre, ce vengeur des colores des cienx. (Rotroa.)

1011 Corneille dit se rendre d'un parti, comme, dans Nicomède (I, v), plus de hardiesse, se rendre de l'intelligence de quelqu'un. Se rendra souvent le sens de se faire, devenir •

Je m'en iray rendre ermite (Desportei.)

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