INTRODUCTION 11
nesques. Reste la tragédie de l'Arélin, plus vraisemblable, surtout plus antique ; mais la justesse du ton n'y est pas appuyée par l'oi'iginalilé de l'invention. Corneille a su être plus aniiquc que les deux premiers, plus original que le troi- sième. C'csl pourtant la pièce de l.ope de Vega qui semble lui avoir inspiré lidée de rajeunir un sujet où aucun écrivain, depuis Titc-Live, n'avait encore imprimé celte marque person- nelle et durable qui décourage les imitateurs. Si cette bypothèse était pieiiiement vérifiée, — mais la com-
Jaraison nous donne peu de lumières sur ce point, — on aurait 'avance, sinon réfuté, dumoinsatfaibli l'objection des critiques qui reprochent à Corneille d'avoir prématurément abandonné l'Espagne pour Rome. « Quitter l'Espagne dès l'instant qu'il y avait mis pied, ne pas pousser plus loin cette glorieuse vic- toire du Cid, et renoncer de gaieté de cœur à tant de héros magnanimes qui lui tendaient les bras, mais tourner à côté et s'attaquer à une Rome castillane, sur la foi de Lucain et de Sénèque, ces Espagnols bourgeois sous Néron, c'était pour Corneille ne pas profiter de tous ses avantages et mal inter- préter la voix de son génie, au moment où elle venait de par- ler si clairement. Mais alors la mode ne portait pas moins les esprits vers Rome antique que vers l'Espagne. Outre les ga- lanteries amoureuses et les beaux sentiments de rigueur qu'on prêtait à ces vieux républicains, on avait une occasion, en les produisant sur la scène, d'appliquer les maximes d'Etat et tout ce jargon politique et diplomatique qu'on retrouve dansRalzac, Gabriel Naudé, et auquel Richelieu avait donné cours. Corneille se laissa probablement séduire à ces raisons du moment ; l'essentiel, c'est que de son erreur même il sortit des chefs- d'œuvre'. « La rupture avec ce passé, dont la gloire était encore toute fraîche, ne fut pas si brusque qu'on l'imagine, et lui-même, Sainle-Reuve , prend soin de l'indiquer lorsqu'il écrit que, déserteur de l'Espagne, Corneille passa dans le camp des Romains, mais de Romains fort proches parents des Cas- tillans du Cid, et parlant haut comme eux. Même dans Horace et Cinna, il faudra faire la part de celle grandiloquence castil- lane. On peut regretter, il est vrai, que Corneille, esclave d'un préjugé alors dominant, ait abandonné l'histoire moderne pour l'histoire ancienne, jugée seule propre à fournir des sujets de tragédie; mais il y reviendra dans don Sanche, et n'écrira guère alors qu'une éclatante tragi-comédie. Le Cid même, le plus jeune des chefs-d'œuvre cornéliens, qu'est-ce
��1. Sainte-Beuve, Portraits littérairei, I.
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