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146 aNNA

Seigneur, jusqu'à présent a fait beaucoup de bruit 1200

Par les peines d'un autre aucun ne s'intimide :

Salvidien à bas a soulevé Lépide,

Murène a succédé, Cépion Ta suivi ;

Le jour à tous les deux dans les tourments ravi

IN'a point mêlé de crainte à la fureur d'Égnace, 1205

Dont Cinna maintenant ose prendre la place,

Et dans les plus bas rangs les noms les plus abjels

Ont voulu s'ennoblir par de si hauts projets.

Après avoir en vain puni leur insolence,

Essayez sur Cinna ce que peut la clémence ; 1210

Faites son châtiment de sa confusion,

Cherchez le plus utile en cette occasion.

Sa peine peut aigrir une ville animée.

Son pardon peut servir à votre renommée.

Et ceux que vos rigueurs ne font qu'effaroucher 1215

1201. Peine, châtiment ; nous avons déjà vu ce latinisme au v. 1185.

1202. A bas, tour elliptique pour jeté à bas, renversé, après avoir succombé dans sa lutte contre Orta\e. — Ici commence une énumération de noms obscurs, tous empruntés à Sénèque, tous francisés, selon la constante habitude de Cor- neille. Rufus Salvidianus et sa conjuration ne sont guère connus que par Sé- nèque et Dion Cassius, ainsi qu'Egnatius et Cépion, qui d'ailleurs ne mourut que sous Tibère. Murena, complice de Cépion, et Lepidus portaient des noms plus illustres, s'il est vrai qu'ils fussent fils, l'un du client de Cicéron, l'autre du triumvir, collègue d'Octave.

1205. Yar. N'a point mis de frayeur dedans Tesprit d'Egnace,

Ootit Ciana maintenant ose imiter laudace. (1643-56.)

1207. En faisant rimer abjet et projet. Corneille n'use point, comme le croit M. Aimé Martin, d'une licence poétique, et ne cède pas à la tyrannie de la rime; M. Marty-Laveauï remarque, en effet, qu'on trouve au milieu même de plus d'un vers abject orthographié abjet, et que Furetière préférait cette orthographe. Oani Nicomède, (65 et 386), Corneille fait rimer deux fois abjet et sujet :

Dis tout, Araspe ; dis que le nom de sujet Rédait toute leur gloire en an rang trop abjet.

1208. Corneille écrit ennoblir au propre et au figuré. « En 1673, une commis- •sien de l'Académie française examine cette question d'orthographe ; Doujat rap- porte qu'il a été décidé, dans la compagnie, qu'anoô/ir est rendre noble et enno- blir rendre illustre ; mais Bossuet et Pellisson réclament contre celte décision. ■C'est seulement en 1690, dans le Dictionnaire de Furetière, qa'anoblir et ennoblir «ont affectés chacun à un sens distinct, et cette distinction subtile, qui n'existe dans aucune autre langue, ne s'est, depuis lors, que trop vite et trop générale- ment établie. » (M. Marty-Laveaux.) — Dans Dion-Cassius, c'est Auguste qui parle à Livie de cette émulation des conjurés, courant à la mort comme à la gloire.

1210. Il Nunc tenta quomodo tibi cedat cleraentia. » (Sénèque.) — «^épe. (i£Ta6aV/,(ifJL£8a, xat Ttvo; a'jTÙv çeiffwfjLEÔa. » (Dion Cassius.)

1213. Sur aigrir, voyez la note du v. 206. — Animée, pris absolument, irritée, ou plutôt trop portée déjà à s'irriter.

1214. i< Jara nocere tibi non potest ; prodesse famx tuae potest. » (Sénèque.)

1215. Effaroucher, c'est, étymologiquement, rendre plus faroucne, plus sau- vage, moins traitable ; on l'employait jadis au propre aussi bien qu'au figuré. Amyot {Paul-Emile, 33) parle d'un« u île toute effarouchée et sauvage. » Ëffa»

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